vendredi 25 août 2023

La médaille des Nébuleux éclairée par deux cartes

Le Cercle des Nébuleux, l'un des ancêtres des Ordres actuels, fut fondé en 1886.

Dans "In illo Tempore" (1963), Charles Sillevaerts décrit la penne et la médaille du Cercle : "Tout le monde assistait à la séance secrète, la tête couverte de la casquette nébuleuse, de couleur bleu azur avec visière courte, portant l'insigne "une femme renversant une corne d'abondance et assise sur un croissant de lune." On en avait fait quelques centaines lors de la fondation du club et, en 1910, il en restait encore assez bien a écouler. 

La casquette était la même pour tous, mais, tandis que celles du "Vénérable" devait montrer des traces nettes d'usure et de nombreuses taches graisseuses sur le tissu, celle de l'"Honorable" pouvait porter quelques traces d'usure et quelques rares taches graisseuses. Tous les autres membres  avaient droit à deux taches de modèles réduit, seul l'"Infiniment petit" devait porter une casquette "flambant neuve". Ces subtiles distinctions étaient dues au fait que l'usure et les taches étaient en raison directe du travail et des efforts cérébraux fournis et dont la sueur constituait la preuve évidente."

Jusqu'à ce jour, nous n'avons malheureusement pas retrouvé d'exemplaires de la médaille des Nébuleux. Mais l'on peut s'en faire une idée grâce à une carte de correspondance datée de 1900.

Carte de correspondance et blason

En Suisse, en Allemagne ou encore en Autriche, les sociétés étudiantes avaient l'habitude d'imprimer des cartes postales destinées aux convocations ou à la correspondance, ornées de leur blason ou de dessins de fantaisie.

Cette tradition n'a été adoptée que par de rares groupements estudiantins en Belgique. Aussi la carte postale de correspondance des Nébuleux présentée ci-dessous est une rareté.

Ce qui frappe le regard, c'est bien entendu ce qui semble être le blason des Nébuleux : une femme penchée sur un croissant de lune dans un ciel ponctué de six étoiles à cinq branches, où passe un nuage. La lune et le nuage forment les initiales du Cercle des Nébuleux.

Ce dessin, imprimé en bleu (couleur des Nébuleux), ressemble pour beaucoup à la description de la médaille donnée par Sillevaerts, bien que ce dernier ne mentionne pas de "N" ni d'étoiles et bien qu'ici la corne d'abondance ait été remplacée par un drap.

Sous ce blason, on retrouve la datation propre au Cercle : "An XV des Nébuleux", qui renvoie à l'année de fondation (1886).

Sur cette carte, vraisemblablement postée par un Nébuleux à l'attention de sa soeur, Julia Mahieu, le 18 février 1900, on peut lire notamment : "Je te donnerai de mes nouvelles mercredi. Je t'écris sur cette carte pour que tu la mettes dans ta collection. [...] Je t'embrasse de tout mon coeur, ton frère (signature illisible)."


Collection Arnaud Touffe Decostre
sur le site Que Vive la Guindaille.

Une carte de bal

Le Cercle des Nébuleux organisait entre autres de "Grands bals des Etudiants" aux Salons Modernes (rue Auguste Orts) comme en attestent deux cartes de 1896 et 1910 conservées aux Archives de l’ULB ou encore dans les Salons de la Nouvelle Cour de Bruxelles (place Fontainas) ainsi que le montre la carte de 1907 issue de la collection du vieux Poil Br.m D.sm.t, que nous présentons ci-dessous.

Sur ces divers cartons de bal, on retrouve le même croissant de lune entouré d'étoiles. Il semble donc clair qu'il s'agit là du blason du Cercle. On retrouve également la datation particulière sous le blason : "An XXI des Nébuleux".

Ce carton d'invitation, destiné à une dame, a été réalisée à l'occasion du bal des Nébuleux du 24 janvier 1907. Il y est précisé qu'une collecte serait organisée au profit d'une oeuvre de bienfaisance au cours des festivités. On peut espérer que le don fut conséquent : les bals des Nébuleux connaissaient en effet un succès constant, attirant plus de 400 danseurs, si l'on en croit l'Echo des Etudiants du 14 janvier 1909.

Au recto du carton figurent les danses exécutées au cours du bal et réparties en deux périodes. Le numéro inscrit devant chaque danse indique le nombre de temps sur laquelle elle est pratiquée la valse, la polka ou la mazurka. La ligne tracée à droite de l'intitulé de la danse est peut-être destinée à noter le nom d'un cavalier.



Collection Br.m D.sm.t

Bleus de 1938

Trouvés dans les Cahiers du Libre Examen de novembre 1938, ces croquis de Bleus ont conservé toute leur fraîcheur. Leur auteur (hélas anonyme) a un trait assuré, inspiré sans doute par celui d'Hergé.

La jeune femme porte son béret positionné vers l'arrière, ce qui laisse voir le blason facultaire et sa première étoile.




samedi 8 juillet 2023

Médaille des Iguanodons : des thèmes universels ?

La vieille médaille du Club des Iguanodons de l'Université de Bruxelles n'est pour ainsi dire connue que de quelques collectionneurs.

Ses dimensions (8 cm de hauteur) et son ruban indiquent suffisamment qu'il s'agit d'une médaille pectorale. Nous présentons ici un exemplaire unique, encore doté de son ruban.

Le rouge et le vert du ruban correspondent aux couleurs de la Ville de Bruxelles. Rappelons à cet égard que, jusqu'à leur codification en 1926, la penne et le béret des ulbistes n'étaient pas ceints d'un ruban facultaire mais bien d'un ruban aux couleurs de la Ville.

Collection du Poil J.n V.n d. V.l

Les thèmes de la médaille des Iguanodons - canne et pipe entrecroisées, poignée de mains soutenant une chope, ceinture et couronne de laurier - se retrouvent parfois sur des cartes postales de corporations étudiantes allemandes, où l'on voit le Zirkel (le monogramme de la société).

Tradition du combat à la lame oblige, c'est une rapière qui remplace la canne. On sait que la canne servait chez nous à marquer la classe sociale de l'étudiant mais aussi à se battre lors des vadrouilles orageuses.

Quant à la pipe, elle est le symbole de la pensée libre des étudiants, comme sa fumée évoque leurs songes.

Pipe et rapière entrecroisées.
Couronne de laurier.
Chope posée sur un livre,
frappé du Zirkel (monogramme) de la corporation.
Carte envoyée le 8 juillet 1905.

Mais le parallèle le plus évident nous semble figurer dans l'iconographie de cette chope d'une Turnerschaft (confrérie estudiantine sportive), que nous n'avons encore pu identifier.

Faut-il voir ici la trace d'une influence des coutumes des corporations germaniques sur les Iguanodons à l'occasion d'une visite des uns ou des autres ? Ou, plus simplement, l'évocation de thèmes universels de la vie estudiantine ? Nous n'avons pas encore tranché mais nous sommes frappés par la similitude dans la disposition des objets.


Chope non datée.
Une blague à tabac pend à la pipe.
Chope portant le Zirkel
(monogramme) de la Turnerschaft.
La chope est adossée à un livre.



Le CD a retrouvé le drapeau des années 1920

Comme quoi il ne faut jamais désespérer et continuer à faire des offrandes au pied de la statue de saint Verhaegen...

Le Cercle de Droit vient de récupérer le drapeau réalisé dans les années 1920. Ses dimensions sont de 90 cm sur 70 cm. Le lettrage arrondi et la balance facultaire sont brodés en fil doré.

Etonnamment, il porte également le nom de Jules Fonson. On pourrait spontanément penser qu'il s'agit du donateur du drapeau. Mais Jules Fonson (1861-1938) est un illustre médailleur bruxellois, qui reprend l'affaire familiale dans les années 1920. Il est aussi le plus célèbre des fournisseurs militaires. C'est sans doute dans ce cadre que le Cercle s'est adressé à lui pour la confection de son drapeau.

L'étendard est fortement endommagé. Mais il est désormais entre de bonnes mains.


Photo transmise par le Poil Arm.n T.r St.p.n..n, président du C.D.

Le drapeau du CD n'a pas toujours eu le même aspect. Ainsi dans les années 1960, le texte et la balance sont disposés de la même manière mais sont tracés en noir. Et l'arrondi cède la place à l'angle droit. 

Saint-V, entre 1964 et 1968,
hommage au Soldat inconnu.
Photo extraite de M. Hermand,
"La Belle histoire du Cercle des Sciences".

"Les Bleus ont soif" : la Buse est de la revue

En mai 1920, au sortir de la première guerre mondiale, le Cercles des Sciences est le premier à renouer avec la tradition des Revues. Il donne un spectacle resté célèbre : "Les Bleus ont soif".

Son titre était un double clin d'oeil. D'une part, il rappelait "Les dieux ont soif", livre d'Anatole France paru en 1912. Ce roman a pour cadre la période de la Terreur, qui voit la Révolution française dévorer ses propres enfants.

D'autre part, par ricochet avec le livre d'Anatole France, le titre de la Revue du Cercle des Sciences est une allusion, néanmoins humoristique, aux horreurs de la guerre, dont les déflagrations se font encore sentir dans les rangs des étudiants. S'il fallait souligner le lien avec l'actualité, l'affiche de la Revue présente le profil d'Athéna, déesse grecque de la sagesse mais aussi de la stratégie militaire...

La Revue est d'ailleurs jouée au profit d'une bourse d'étude pour les combattants et les descendants de combattant.

La Buse

S'il fallait encore une preuve que le conflit mondial hante encore l'Alma Mater, la chanson "La Buse",  entonnée pour la première fois à l'occasion de la Revue, débute par ses trois mots : "Avant la guerre..." Et elle se chante sur l'air de "Verdun, on ne passe pas", chant patriotique français écrit en 1916.

Tout comme le titre de la Revue, cette chanson au propos léger est teintée d'humour noir : la Buse qui frappe les étudiants y est comparée avec l' "Aigle noir", qui désigne l'empire allemand (et son armée) dans la chanson française de 1916. Rire pour ne pas pleurer... Une autre chanson du même auteur, "La Marche des Etudiants", écrite elle en 1919, n'énonce-t-elle pas au troisième vers : "Nous faisons guerre à la mélancolie ou la cachons sous des cris de gaieté"... Tout est dit.

Sur l'affiche annonçant le spectacle, on retrouve ladite Buse sous les traits d'un angelot coiffé d'un chapeau buse, au côté d'un étudiant en casquette. Dans la pièce, la Buse était incarnée par Mademoiselle Casanova.

Collection Benoît Bacchus P.nc.n.

Le texte et les chansons de la Revue sont dus à la plume de "P. Loteur", jeu de mot en guise de pseudonyme de... "l'auteur", Paul Vanderborght, poète ulbiste (1899-1971). Les dessins de l'affiche et du livret sont signés Lif, alias Idès Lejour.

La première représentation est un succès : la salle se déchaîne, les profs se gondolent. Dans le Bruxelles Universitaire de juin 1920, Paul Vandergorght écrira entre autres : "Nous avons vécu là des heures de fraternité sincère, où l'on sentait revivre, superbe et triomphante, la belle bohème estudiantine, qui ne doit pas être confondue avec la grossièreté et la voyoucratie."

Des étudiants de Liège, Gand, Mons, Anvers et Gembloux assistent à la seconde représentation. Nouveau succès. Malheureusement, dans la soirée, le drapeau du Cercle des Sciences et l'ancien drapeau de la section de Pharmacie disparaissent lors d'une bagarre place Sainte-Catherine. 

Nous renvoyons à "La belle histoire du Cercle des Sciences", ouvrage incontournable édité en 2015 par le Poil Michel Hermand, pour plus amples informations sur cette Revue.


Collection Benoît Bacchus P.nc.n.

Comme l'indique la distribution,
c'est Mademoiselle Casanova
(alias Diane de Gravelyn)
qui incarna la Buse.

La chanson "La Buse" (en bas à droite) fait ici
sa première apparition.

Plaquette de vestiaire

Ancienne plaquette du vestiaire de "la" bibliothèque de l'ULB, au lettrage influencé par l'Art déco.

On notera qu'il n'existe alors manifestement qu'une seule bibliothèque. Ceci permettrait peut-être de dater la plaquette. On remarquera aussi qu'il y avait un vestiaire, chose inimaginable aujourd'hui.

On ignore comment cette plaquette pu être oubliée dans la poche d'un lecteur ou d'une lectrice, malgré ses dimensions (7cm sur 5cm).

Que sont devenues les autres plaquettes ?

7cm x 5 cm. Collection privée.

Quelques médailles facultaires

Cette jolie série de médailles facultaires, présentée ici par le Poil Benoît Bacchus P.nc.n, a été réalisée en émail à chaud dans les années 1920.

Elle date vraisemblablement de l'époque de la codification de la penne en 1926. Cette année-là, l'on décide que le blason de la faculté où le Poil ou la Plume suit ses études sera brodé ou épinglé sur son couvre-chef. Une bande de couleur associée à chaque faculté fera désormais le tour du couvre-chef et remplacera le ruban vert et rouge (identique pour chacun), qui rappelait les couleurs de la Ville de Bruxelles.

C'est sans aucun doute pour garder le souvenir de les couleurs de l'ancien ruban que les épinglettes sont rouges et vertes.

Si le trio de médailles photographiées appartiennent aux cercles de Droit, de Médecine et de Sciences sociales, chaque faculté disposait manifestement de son insigne.

Collection Benoît Bacchus P.nc.n.

On connaît également de telles épinglettes pour le Cercle de Philo et Lettres et le Cercle Solvay, lequel remit la sienne à Manneken Pis lors de la Saint-Vé de 1930.


Collection En Bordeaux et Bleu.

mercredi 26 janvier 2022

Etudiants de Bonn et de Louvain en 1847

Cette lithographie nous a été généreusement transmise par le vieux Poil Benjamin D.m.nt. De nombreux détails de sa composition nous renseignent sur la vie et la mentalité des étudiants de la première moitié du XIXe siècle.

La gravure est dédiée "aux vrais étudiants par un ancien étudiant" en "souvenir de la fête du 1er juillet 1847".

Comme l'indique le nom des villes citées dans le dessin, la fête réunit des étudiants allemands de Bonn et belges de Louvain. Le "Journal de la Belgique" du 4 juillet 1847, citant "L'Emancipation", nous éclaire sur cette réunion. On y apprend que la société de musique formée par les étudiants de Bonn, après être passée par Gand, s'arrête à Louvain et fera également halte à Liège.

"Deux cents cinquante étudiants attendaient aujourd'hui à la station de Louvain l'arrivée du convoi de Gand. Vers une heure les acclamations retentirent, les chanteurs allemands furent enlevés des voitures, le vin d'honneur circula, les poignées de main s'échangèrent et bientôt le cortège, précédé d'un corps de musique, se dirigea vers l'auditoire du collège du pape." Des discours fraternels y sont tenus par un étudiant de Louvain et un autre de Bonn. 

Le journal poursuit : "De l'auditoire, on se rendit au local de l'académie de musique pour prendre place à un banquet de trois cents couverts, organisé sous la présidence de trois professeurs (d'origine allemande), MM Moeller, Schwan et Arendt. Ce dernier porta un toast aux invités et, après lui, un élève de l'université, M. Vanderstraeten de Ponthoz, proposa trois hourras en l'honneur des amis d'outre-Rhin, proposition qui fut chaleureusement accueillie et exécutée."

"Le soir, tous les convives assistèrent au concert champêtre donné par la société de l'académie et revinrent en cortège, à travers les rues illuminées, vers la salle du banquet. Un ballot de tabac et d'interminables rangées de pipes, les invitèrent à s'y attabler de nouveau et, les gens de service ayant formé la chaîne, l'on vit bientôt à travers les nuages s'élever la flamme bleue du punch. Elle scintilla jusqu'à une heure du matin sans qu'aucun incident fâcheux ait troublé cette vaporeuse, liquoreuse et cordiale réunion toute empreinte de couleur germanique."

Et de conclure : "Demain, les étudiants allemands croient partir pour Bonn ; ils ne partiront que pour Liège."

Quelle est la raison de la présence des étudiants allemands ? Nous ne pouvons qu'émettre l'hypothèse d'une rencontre amicale entre étudiants suivant leur cursus à un peu plus de 200 km de distance : Bonn est la ville universitaire allemande la plus proche de Louvain. C'est peut-être d'ailleurs par imitation de leurs homologues d'outre-Rhin que les étudiants louvanistes fondent leur société en janvier 1848.

Peut-être pouvons-nous aussi deviner dans ces festivités de juillet 1847 l'expression de liens fraternels tissés entre jeunes gens partageant les mêmes aspirations démocrates dans des pays en proie aux tensions politiques.

En juin 1847, la Belgique vient de voir l'élection d'un gouvernement exclusivement libéral. Et l'Allemagne est déjà en effervescence : la révolution éclatera quelques mois plus tard, en mars 1848, et les étudiants y prendront une part active. Les révolutionnaires allemands réclameront notamment la souveraineté du peuple, l'abolition des privilèges et de la censure et l'établissement d'un impôt progressif sur le revenu.

Au printemps 1848, marque évidente de sympathie politique, des étudiants louvanistes (dont certains étaient poussés par des courants progressistes, dont le saint-simonisme) souhaitent envoyer une adresse de félicitations à leurs camarades allemands pour leur participation à la récente révolution de Mars. Le recteur s'y oppose. Ce qui finit notamment par provoquer le départ de certains étudiants pour Bruxelles : ils jugent leur ancienne Alma Mater trop conservatrice. (in "De universiteit te Leuven, 1425-1985", Universitaire Pers Leuven)

On sait, par ailleurs, que l'enthousiasme pour le combat démocrate des étudiants allemands est également partagé par des camarades de l'Université libre de Bruxelles. Ainsi, l'année suivante, en 1848, en signe de ralliement à la cause des étudiants allemands venus en visite à Bruxelles, la société des étudiants de l'Université libre adopte une casquette verte à ganse d'or. Il est possible que les Bruxellois choisissent de porter une casquette similaire à celle portée par leurs visiteurs.

Si cette gravure concerne donc principalement l'histoire de l'Université de Louvain, elle n'en apporte pas moins un éclairage indirect sur la vie des étudiants bruxellois. D'une part, les relations des étudiants bruxellois avec leurs camarades allemands au tournant de la révolution de 1848 s'inscrivent dans un cadre plus large : celui de contacts entre universitaires belges (gantois, louvanistes, liégeois) et allemands. Et d'autre part, elle souligne une nouvelle fois l'ancienneté des contacts avec les étudiants d'outre-Rhin, ce qui laisse à nouveau entrevoir des échanges de traditions.

 

La gravure dans son cadre original.

La gravure est encollée sur une feuille plus grande, où a été préimprimée la dédicace. On constate quelques piqûres et tâches d'humidité.


Au centre de la lithographie, deux étudiants. Il est très probable que l'étudiant de Bonn soit celui de droite si l'on en juge par sa veste à brandebourgs, caractéristique des corporations estudiantines allemandes. Contrairement à celle de son voisin, sa casquette est par ailleurs assez semblable à celle des étudiants allemands. Enfin, la besace de voyage vient conforter l'hypothèse que c'est bien lui le visiteur.

Nous en concluons donc logiquement que l'étudiant louvaniste est le personnage de gauche. Ce qui nous permet de constater que la casquette (avec jugulaire) est portée à Louvain depuis au moins juillet 1847.

Au-dessus des deux protagonistes, un faisceau de flèches et ruban porteur de maximes fraternelles mettent en exergue l'union des étudiants.

Les deux citations - "Vos omnes fratres estis (Math.)" et "Ut omnes unum sint" (Joan.)" - proviennent des Evangiles. Faut-il y lire les aspirations démocratiques des étudiants ? C'est en tous les cas une piste à ne pas exclure d'emblée.

"Vos omnes fratres estis" ("Vous vous êtes tous frères") peut prendre une coloration révolutionnaire puisque les versets de l'Evangile selon Mathieu dont il est extrait proclament entre autres : "Et qu'on ne vous appelle pas maîtres car vous n'avez qu'un seul maître : le Christ."

Quant à "Ut omnes unum sint" ("Qu'ils soient un"), tiré de l'Evangile selon saint Jean, il peut mettre en rappeler l'union à Dieu et en Lui. Mais on peut également traduire ce verset comme l'affirmation de la solidarité des étudiants progressistes sur le plan politique.

A leurs pieds, un punch brûlant fume juste au-dessus d'un blason coiffé d'une casquette étudiante.

Sur la hampe du drapeau de gauche est fichée la casquette de l'étudiant louvaniste, à laquelle pend une jugulaire.

Le drapeau est enserré dans un trophée, où l'on retrouve en vrac une épée et une canne, un livre, un luth, un jeu de cartes et trois pipes (dont une écumante). Autant d'attributs classiques des étudiants. L'épée est celle des duels pratiqués de façon sportive, la canne en est son substitut (bourgeois) à la ville. Et la pipe représente les réflexions et les rêves des jeunes universitaires.

Le livre doit retenir notre attention : y figure le titre de "La Destinée sociale", rédigé en 1836 par Victor Considerant (français d'origine belge, 1808-1893). Considerant est un philosophe et économiste, disciple du grand utopiste socialiste que fut Charles Fourier. La présence de cet ouvrage nous incite une fois encore à penser que certains étudiants de Louvain adhéraient aux idées progressistes.

Beaucoup plus déconcertante est la présence de deux revolvers et d'une corne à poudre dans ce trophée. Comment faut-il l'interpréter ? Est-ce un reliquat de la pratique des duels d'honneur ou la proclamation pour le moins romantique que les étudiants sont prêts à combattre violemment pour leurs idées ?

Quant à la couronne d'épines du Christ, reposant sur un diplôme roulé, sa signification nous semble ambivalente. Elle peut être un rappel que, selon saint Mathieu, le seul maître est Jésus (ce qui fait écho à la maxime "Vos omnes fratres estis"). Mais l'on pourrait aussi y voir une identification des étudiants à Jésus, établissant ainsi un parallèle excessif entre leurs études et son martyr.

"Fraternité !" clame une des trompettes. Ce qu'il faut sans doute comprendre comme la communion des idées.

En miroir, sur la hampe du drapeau de droite est posée la casquette de l'étudiant allemand, à laquelle pend aussi une jugulaire.

Un peu plus bas, on voit un angelot pleurer, sans que l'on sache vraiment pourquoi. Alors même que son alter-ego est souriant.

Dans le trophée qui enlace le drapeau, on trouve à nouveau pipe en porcelaine au long tuyau et épée mais aussi des éperons, un verre et des bouteilles, un livre  et des lettres cachetées.

Au pied du drapeau, on observe encore une chope, des lunettes et, cette fois, une couronne de fleurs, symbole de la victoire dans les études et du triomphe de la vie.

Une seconde trompette lance "Amitié !". Ce qu'il faut de toute évidence comprendre comme l'union des coeurs.

Derrière les deux étudiants, gisent enfin des morceaux de bois parmi lesquels on voit un panneau gravé du mot Belgique. Proviennent-ils des barricades de la récente révolution belge de 1830 ? Ou d'une frontière marquée jetée à terre ?

A côté de ce tas de bois, flotte un drapeau où se lit le mot "Union". S'agit-il du début de la devise du Royaume de Belgique ("L'Union fait la force") ou du souhait de s'unir aux étudiants étrangers par-delà les frontières ?

La présence d'un soleil à l'horizon vient éclairer ces questions. Au sein de celui-ci est inscrit le terme latin "Omnibus" (soit "Pour tous"). Autrement dit, le soleil brille pour tous sans distinction de classe sociale ou de nation. Ce qui laisse une nouvelle fois entrevoir la possibilité d'une lecture progressiste de cette lithographie.



Ci-dessous la lithographie imprimée en "Souvenir du banquet offert par les étudiants de l'Université de Louvain à leurs frères de Bonn". Y figurent les noms de plus de 200 convives. Etonnamment nous n'y lisons pas de noms à consonnance germanophone.

Sans entrer plus avant dans la description de ce document, remarquons les deux bols de punch en bas de document ainsi que les angelots qui trinquent, l'un représentant la Belgique et l'autre l'Allemagne. On retrouve ici les termes Union et Fraternité. Le terme Union est ici clairement distinct de la devise belge ("L'Union fait la force") car cette dernière figure dans un trophée qui coiffe le ruban de tête. Ce qui donne donc bien un sens de solidarité dans la défense d'un idéal commun à celui des étudiants d'outre-Rhin.

Document communiqué par Benoît Bacchus P.nc.n.
26,5 cm x 17,5 cm

mardi 25 janvier 2022

La couronne de la Saint-Vé 1925

Cette superbe photo de Saint-Verhaegen (don de Nadine H..ss., Ancienne de Solvay diplômée en 1958) nous a été transmise par le Camarade Pierre Br.nc.rt. Développée dans un format légèrement inférieur à celui du A3, elle porte au recto la mention 1925.

Le cadre magnifique de ce cliché est celui du Palais Granvelle ancré rue des Sols, que l'ULB occupa de 1842 à 1928, date à laquelle le quartier est détruit pour laisser la place à la gare Centrale et à la galerie Ravenstein.

En 1925, l'Université n'a donc pas encore complètement déménagé au Solbosch et la statue de Théodore Verhaegen, fondateur de l'Université, est encore dans la cour du Palais.

Cette photo nous offre plusieurs informations. Ce 20 novembre 1925, un Poil a - selon la coutume - posé une échelle contre la statue de Verhaegen afin de déposer une couronne de fleurs à ses pieds cependant que les drapeaux des cercles, baissés, saluent le fondateur.

A droite de la statue, l'on voit des Poils porter des lampions, qui seront sans doute allumés dès que la nuit tombera sur les festivités du Dies Academicus. Notons au passage que l'on retrouve ce sympathique usage des lampions dans d'autres sociétés étudiantes, notamment en Suisse. 

Manifestement, les bâtiments de l'Alma Mater sont ouverts : des étudiants y sont entrés et se sont postés aux fenêtres - et les ont même enjambées - à l'occasion de la prise de vue.

Tous les étudiants posent pour la postérité. Sans doute ont-ils pleinement conscience qu'une page se tourne pour l'Université et immortalisent-ils l'une des dernières Saint-Vé dans les bâtiments qui l'ont vu croître.

Photo transmise par Pierre Br.nc.rt.

De gauche à droite, au premier rang :
le troisième et le septième Poils portent des lampions.

mercredi 5 janvier 2022

A bas la triple buse !

Cet insigne de 4 cm de long a été frappé à l'occasion de la Saint-Verhaegen 2021. On y reconnaît l'ennemi héréditaire des Poils et Plumes : la triple buse.

Un corps en "tube creux à l'intérieur", des ailes d'oiseau de proie, un haut de forme de Bourgeois telle est la bête qui décime les auditoires. On la rencontre pour la première fois sous cette forme en 1853 dans le journal Le Crocodile, sous le crayon de Félicien Rops, qui la place dans le blason des Crocodiles.

Sur le chapeau de ce spécimen figurent, nous dit-on, le point d'exclamation de l'action estudiantine et le point d'interrogation de la réflexion.

Collection En Bordeaux et Bleu