samedi 8 juillet 2023

"Les Bleus ont soif" : la Buse est de la revue

En mai 1920, au sortir de la première guerre mondiale, le Cercles des Sciences est le premier à renouer avec la tradition des Revues. Il donne un spectacle resté célèbre : "Les Bleus ont soif".

Son titre était un double clin d'oeil. D'une part, il rappelait "Les dieux ont soif", livre d'Anatole France paru en 1912. Ce roman a pour cadre la période de la Terreur, qui voit la Révolution française dévorer ses propres enfants.

D'autre part, par ricochet avec le livre d'Anatole France, le titre de la Revue du Cercle des Sciences est une allusion, néanmoins humoristique, aux horreurs de la guerre, dont les déflagrations se font encore sentir dans les rangs des étudiants. S'il fallait souligner le lien avec l'actualité, l'affiche de la Revue présente le profil d'Athéna, déesse grecque de la sagesse mais aussi de la stratégie militaire...

La Revue est d'ailleurs jouée au profit d'une bourse d'étude pour les combattants et les descendants de combattant.

La Buse

S'il fallait encore une preuve que le conflit mondial hante encore l'Alma Mater, la chanson "La Buse",  entonnée pour la première fois à l'occasion de la Revue, débute par ses trois mots : "Avant la guerre..." Et elle se chante sur l'air de "Verdun, on ne passe pas", chant patriotique français écrit en 1916.

Tout comme le titre de la Revue, cette chanson au propos léger est teintée d'humour noir : la Buse qui frappe les étudiants y est comparée avec l' "Aigle noir", qui désigne l'empire allemand (et son armée) dans la chanson française de 1916. Rire pour ne pas pleurer... Une autre chanson du même auteur, "La Marche des Etudiants", écrite elle en 1919, n'énonce-t-elle pas au troisième vers : "Nous faisons guerre à la mélancolie ou la cachons sous des cris de gaieté"... Tout est dit.

Sur l'affiche annonçant le spectacle, on retrouve ladite Buse sous les traits d'un angelot coiffé d'un chapeau buse, au côté d'un étudiant en casquette. Dans la pièce, la Buse était incarnée par Mademoiselle Casanova.

Collection Benoît Bacchus P.nc.n.

Le texte et les chansons de la Revue sont dus à la plume de "P. Loteur", jeu de mot en guise de pseudonyme de... "l'auteur", Paul Vanderborght, poète ulbiste (1899-1971). Les dessins de l'affiche et du livret sont signés Lif, alias Idès Lejour.

La première représentation est un succès : la salle se déchaîne, les profs se gondolent. Dans le Bruxelles Universitaire de juin 1920, Paul Vandergorght écrira entre autres : "Nous avons vécu là des heures de fraternité sincère, où l'on sentait revivre, superbe et triomphante, la belle bohème estudiantine, qui ne doit pas être confondue avec la grossièreté et la voyoucratie."

Des étudiants de Liège, Gand, Mons, Anvers et Gembloux assistent à la seconde représentation. Nouveau succès. Malheureusement, dans la soirée, le drapeau du Cercle des Sciences et l'ancien drapeau de la section de Pharmacie disparaissent lors d'une bagarre place Sainte-Catherine. 

Nous renvoyons à "La belle histoire du Cercle des Sciences", ouvrage incontournable édité en 2015 par le Poil Michel Hermand, pour plus amples informations sur cette Revue.


Collection Benoît Bacchus P.nc.n.

Comme l'indique la distribution,
c'est Mademoiselle Casanova
(alias Diane de Gravelyn)
qui incarna la Buse.

La chanson "La Buse" (en bas à droite) fait ici
sa première apparition.