mercredi 27 mars 2013

Le Saint-Synode Saurien

Dès 1878, Louis Dollo supervise l'extraction de sauriens géants de la mine de charbon de Bernissart : les iguanodons entrent alors dans l'imaginaire collectif. Trente ans plus tard, en 1909, Dollo intègre l'ULB en tant que professeur de paléontologie. 

Or c'est vers 1910 que naît une nouvelle Société : les Sauriens. Le nom de ce cercle et son symbole (un squelette d'iguanodon) ainsi que les surnoms des membres (tels que "Mamosaurus Suculens") sont probablement un clin d'oeil à l'arrivée de Louis Dollo à l'Université.

On ignore quand les Sauriens ont disparu de la surface du globe. S'ils sont encore mentionnés à l'occasion de la Saint-Verhaegen de 1923, on perd leur trace après cette date.

Avant-guerre, les Sauriens cohabitèrent avec les Nébuleux et furent - semble-t-il - aussi bons amants de "La Buse" qu'eux. Dans les Fleurs du Mâle, la belle déclare : "Ah ! les beaux jours de bohème et d’orgie / Quand je couvrais Sauriens et Nébuleux". Le chansonnier de l'ULB n'a d'ailleurs conservé que le souvenir de ces deux Sociétés.

Dans l'immédiat après-guerre, alors que les Nébuleux s'éteignaient, les Sauriens continuèrent de guindailler mais cette fois aux côtés des Macchabées, récemment fondés. (Annuaire 1919-1920 de l’Union des Anciens Etudiants de l’U.L.B.).

C'est donc - probablement - aux Sauriens que l'on doit la transmission (et la préservation) du folklore des Sociétés intimes par-delà la "Grande guerre".

Activités publiques et intimes

Si l'on en croit, Et l'alambic ou La cornue enchantée, revue organisée par le Cercle des Sciences en 1913, les "jeunes Sauriens" étaient experts en punch et en madère. Et c'est encore eux qui servaient un punch bien chaud à l'ensemble des Poils lors de la Saint-Verhaegen 1923.

Les Sauriens organisaient donc des activités publiques, plutôt festives. Mais ils n'en étaient pas moins un cercle intime où l'on entrait par cooptation. Plus exactement, on pouvait déposer sa candidature pour y entrer (selon un fonctionnement proche de celui des Sociétés allemandes et suisses), comme le laisse penser une affichette pour les "Examens d'entrée" au Saint Synode Saurien (S.S.S.).

Elle fut placardée ad valvas (avec le paraphe du secrétaire de l'ULB) vers 1910. Elle n'est pas datée mais porte la signature du même Saurien qu'un carton de banquet de 1912. Les deux documents sont donc contemporains.

Cette affichette indique que les étudiants avaient une journée pour déposer leur candidature à l'Ultra, un café situé rue Cantersteen, à deux pas de la rue des Sols, où se trouvaient les premiers bâtiments de ULB.


Extrait  de l'unique affichette connue des Sauriens.
Ce document provient
du Service Archives, Patrimoine et Collections spéciales de l'ULB.
50 avenue Franklin Roosevelt à 1050 Bruxelles.



Sous le dessin d’un squelette d'iguanodon coiffé d'un chapeau buse (symbole de l'échec à un examen), un texte manuscrit annonce :
"Avis – Bericht au peuple de l’Uhelbé.
Le 15 Nicolose an II s’ouvrira la session pour les Examens d’entrée S.S.S pour la collation du grade d’Infect.
Les demandes doivent
1°) être rédigées sur feuille papier ministre
2°) énoncer les titres et références du postulant
3°) parvenir au F Gd Greffier avant le 15 Niclose à minuit
4°) être adressées au F Gd Greffier Riskosaurus Canotans, à l’Ultra.
5°) être accompagné de 0,50 , droit d’inscription non remboursable.

Droits des Infects
1°) Jouir de la société de Vénérables
2°) assister à des séances sauriennes
3°) porter sur leur casquette l’insigne et le ruban sauriens
4°) suivre un cours (théorique et pratique) de tapage nocturne de bourgeois
5°) avoir en communication les Livres Saints (Bible, Dogme et Jus Saurologicum)
6°) Passer, après un an de stage, l’examen de vénérable.


Le frère Grand Greffier, Riskosaurus Canotans"

Organisation interne des Sauriens 

Il est difficile de connaître le fonctionnement des Sauriens avant la Première Guerre mondiale. On ne dispose en effet que de quelques documents internes, d'ailleurs tous signés par le même Riskosaurus Canotans : des menus de banquet de 1912, une affiche et des cartes de membres d'honneur.

Seul carton connu des Sauriens.
Ce document provient
du Service Archives, Patrimoine et Collections spéciales de l'ULB.
50 avenue Franklin Roosevelt à 1050 Bruxelles.

Néanmoins, l'affiche et les cartes de membres d'honneur permettent de tracer les grandes lignes de la Société. Si les Sauriens ne se qualifient pas d'Ordre, leur fonctionnement et leur mode de cooptation rappellent ceux des Sociétés désignées aujourd'hui par ce terme.

Le "Saint-Synode Saurien" - ainsi que s'appelait le Cercle - était présidé par un Grand Vénérable et sa correspondance était assurée par un Grand Greffier. Les autres postes du comité nous sont encore inconnus.

La "collation" du grade d'Infect était accordée après la réussite de l'examen d'entrée. Après un an de stage, on pouvait présenter l'examen de Vénérable. Les membres se répartissaient donc, en deux degrés, entre nouveaux et anciens. 

Il semble que l'un ou l'autre membre d'honneur ait également été reçu et qu'un parrain ait été chargé d'accueillir le nouveau venu. Nous ne pouvons que supposer qu'un parrainage était également en vigueur pour les membres ordinaires.

On notera que les termes Synode, Grand Greffier et Vénérable sont encore employés par les Macchabées (L.B. dans La Pensée et les Hommes. Sous le masque de la Franc-Maconnerie). Un bel et sympahique exemple de transmission de coutumes poiliques...

Notons enfin que les "séances" réunissant Infects et Vénérables se déroulaient sans doute selon des rites contenus dans des "Livres Saints" : "Bible, Dogme et Jus Saurologicum (autrement dit le Droit Saurien)".

Des surnoms

Les "Frères" - ainsi que les membres étaient désignés - portaient des surnoms.

Parmi les 15 signatures apposées sur un menu de l'agape fraternelle donnée le 20 novembre 1912, figurent 5 surnoms : un "Mamosaurus Suculens", un "Lunukausorus Timidus", un "Riskausorus Cantotans" , un "Quadros Blafurens" et un "Commissauri Cocufactor".

L'histoire ne le dit pas mais il est possible que les 10 autres signataires étaient également Sauriens. 15... Un chiffre raisonnable si on le compare à la grosse douzaine de membres actifs que la plupart des Ordres actuels comptent chaque année.



Ce document provient
du Service Archives, Patrimoine et Collections spéciales de l'ULB.
50 avenue Franklin Roosevelt à 1050 Bruxelles.

A en juger par les signatures griffonées sur le menu, les convives étaient en tout cas bien plus nombreux (une bonne trentaine) lors du banquet du 30 mai 1922 (donné à la Maison des Etudiants, si l'on se fie au latin de cuisine "Specialitatem domus Estudiantina").



Ce document provient
du Service Archives, Patrimoine et Collections spéciales de l'ULB.
50 avenue Franklin Roosevelt à 1050 Bruxelles.


Symboles sauriens

D'après les documents disponibles, les symboles utilisés en public par les Sauriens se comptent sur les doigts d'une main.  


Enveloppe au nom des Sauriens.
Il existe également du papier à entête.
Ce document provient
du Service Archives, Patrimoine et Collections spéciales de l'ULB.
50 avenue Franklin Roosevelt à 1050 Bruxelles.
 Les principaux symboles sont les trois points (d'origine maçonnique) entourés de trois S (signifiant Saint-Synode Saurien) et le squelette de l'iguanodon.

Pour la casquette, il y a l'insigne et le ruban sauriens. Le ruban était peut-être de cette couleur mauve qu'on retrouve tant sur les menus et les cartes de membre d'honneur que sur les enveloppes.

Le squelette d'iguanodon et le mauve évoquent la mort (ou du moins le deuil). La bordure mauve tracée sur l'affiche, rappelant la présentation d'un faire-part de décès, peut appuyer cette idée. Ces symboles nous font en tout cas penser à ceux des Macchabées, qui - après 1918 - cohabitèrent quelques années avec les Sauriens.


Extrait  de l'unique affichette connue des Sauriens.
Ce document provient
du Service Archives, Patrimoine et Collections spéciales de l'ULB.
50 avenue Franklin Roosevelt à 1050 Bruxelles.


Vocabulaire


L'affiche des examens d'entrée nous a livré quelques mots de vocabulaire : Frère, Infect, Vénérable... A travers les mots "15 Niclose an II", elle nous révèle aussi que les Sauriens disposaient d'un calendrier calqué sur le calendrier républicain français de 1792.

Les Sauriens suivaient en cela l'exemple des Crocodiles. Aujourd'hui, les Macchabées (entre autres) poursuivent cette antique tradition (L.B. dans La Pensée et les Hommes. Sous le masque de la Franc-Maconnerie).

Recrutement

Il est - à ce jour - impossible de dire dans quelles facultés les Sauriens cooptaient leurs membres. Mais, le menu du banquet du 23 mars 1920, laisse penser qu'ils avaient des liens privilégiés avec la Médecine.

Au verso du menu, on lit ainsi "Belgique et France médicales toujours !" et l'on trouve la signature du trésorier du Cercle de Médecine et Pharmacie de l'ULB aux côtés de celle d'un "v.président de section médicale int. aux hôpitaux de Paris" et de celle du "secrétaire général de l'A.G. de Paris".

On relèvera au passage la signature de Godfroid ("ex Plouck, futur président de la République belge"), qui était déjà présent au banquet de la Saint-Verhaegen 1912.



Ce document provient
du Service Archives, Patrimoine et Collections spéciales de l'ULB.
50 avenue Franklin Roosevelt à 1050 Bruxelles.

Les recherches sur les Sauriens continuent... Mais il y a peu de chance qu'on trouve plus d'informations sur cette Société, qui a cependant influencé le folklore de l'ULB.

lundi 25 mars 2013

L'Utra, café estudiantin

La taverne l'Ultra était située aux numéros 2 et 4 de la rue Cantersteen, à deux pas de la rue des Sols, où - jusqu'en 1928 - se trouvaient les premiers bâtiments de l'ULB.

L'Ultra accueillit les étudiants après la destruction du Ballon, une autre enseigne proche de la rue des Sols. Son allure plus somptueuse provoqua cependant une hésitation, avant d'être adopté à son tour.

L'Ultra disposait de salons au premier étage, auxquels on accédait par l'extérieur (ainsi qu'on peut le voir sur la carte postale ci-dessous). En l'état actuel de nos recherches, il nous est impossible de dire si l'un ou l'autre Cercle de l'ULB y tint ses séances.

On sait en revanche avec certitude que l'Ultra a hébergé les bureaux de la rédaction de l’Echo des Etudiants. On y brassait la copie avant de l’emporter chez Fourez, imprimeur qui habitait rue Rempart-des-Moines. (Annuaire 1919-1920 de l’Union des Anciens Etudiants de l’ULB et 1909-1934, L’Université de Bruxelles, 1934) L'Ultra est (d'après nous) cité pour la première fois dans la presse estudiantine en manchette de l'Echo des Etudiants du 5 janvier 1914, au bout d'un haïku écrit par un ivrogne : "Bureaux ouverts tous les mercredis de 8 à 9h du soir à l’Ultra."

Carte postale envoyée de Bruxelles, le 14 novembre 1911.
Sur la façade de droite, on peut lire "Salons au 1er" et "Entrée des salons".

mercredi 13 mars 2013

Le Pape et le Sultan

Ce texte a été initialement composé par En Bordeaux et Bleu en 2011 pour la Société de Belles-Lettres de Lausanne. Il se chante sur l'air de "La Ceinture".

Il s'agit d'une adaptation libre d’un vieux chant estudiantin composé en allemand : "Papst und Sultan". Quant au refrain "Ergo bibamus" (qui signifie "Alors buvons !"), c'est le titre d’un chant étudiant écrit par Goethe en 1810.

"Papst und Sultan" a été adapté ici en dialogue. Aussi, lors d'un Cantus, la table de gauche de la Corona peut chanter les couplets impairs tandis que la table de droite peut chanter les couplets pairs.

Les couleurs mentionnées dans le dernier couplet sont celles d'En Bordeaux et Bleu. Mais chaque Cercle, Guilde ou Ordre est libre de reprendre la chanson et d'adapter le dernier couplet en fonction des couleurs de son ruban (de son "band") ou de sa penne.

Le Pape et le Sultan
(air : "La Ceinture")


Ah !, soupir’ l’étudiant, jamais je n’ fais d’agap’s.
Bon dieu, je meurs de soif ! Pourquoi ne suis-j’ pas Pap’ ?
Je vid’rais au grand jour les cav’s du Vatican
J’aurais du vin, du vin… : la mer Roug’, l’océan !

Tralala lalalère, tralala lalala !
Tralala lalalère, tralala lalala lalala !


Moi, le Pap’, je m’ennui’ dans mon grand palais blanc.
Mes draps sont plus froids que le marbre d’un gisant :
Je ne caress’ le sein d’aucune joli’ rouss’
Et ça me fend le cœur… Frèr’ : Ergo bibamus !

Tralala lalalère, tralala lalala !
Tralala lalalère, tralala lalala lalala !


Peu m’importe la Croix, je me ferai Sultan
Dans des jardins où les fontain’s coulent leur chant.
Etendu sur la soie, sous l’étoil’, le Croissant,
J’aim’rai ma femm’, ma femm’ aux parfums d’O-ri-ent.

Tralala lalalère, tralala lalala !
Tralala lalalère, tralala lalala lalala !


Me voici à genoux, moi, le princ’ du désert :
Le Coran m’interdit de verser dans mon verr’
Trois goutt’s d’une liqueur qui rend la vie plus douc’…
Mes larmes sont amèr’s… Frèr’ : Ergo bibamus !

Tralala lalalère, tralala lalala !
Tralala lalalère, tralala lalala lalala !


Chèr’ hôtess’, je serai mi-Pape mi-Sultan
Si tu m’offr’s un’ bouteill’ et ton baiser brûlant !
Ô ma bell’ aubergist’, permets qu’un étudiant
Chante tes longs cheveux et y noue son ruban !

Tralala lalalère, tralala lalala !
Tralala lalalère, tralala lalala lalala !


Ruban bleu comm’ la nuit où naissent les amours,
Où l’étudiant vadrouill’ et fait quelques bons tours,
Ruban bordeaux comme le nouveau vin qui mouss’
Au soleil de printemps… Frèr’ : Ergo bibamus !

Tralala lalalère, tralala lalala !
Tralala lalalère, tralala lalala lalala !

lundi 11 mars 2013

Approche du terme "Ordre"

Pour paraphraser L.B. dans La Pensée et les Hommes. Sous le masque de la Franc-Maconnerie (éditions de l'Université libre de Bruxelles, 1990), les Ordres - tels qu'on les connaît aujourd'hui à l'ULB - sont des cercles d'étudiants où l'on entre par cooptation, ce qui entraine une relative continuité dans le profil des sociétaires.

Les candidats sont reçus après avoir vécu une intronisation marquée par le folklore propre à chaque Ordre. Ce folklore - que les membres jurent de ne pas dévoiler - est présent dans des rites, des symboles, des surnoms et un vocabulaire plus ou moins riches et cocasses selon les clubs...

Les séances - généralement hebdomadaires - de ces Sociétés se passent à débattre, plaisanter, chanter et boire dans un cadre folklorico-sérieux. Du coup, "Le lien initial de camaraderie trouve son extension dans une complicité estudiantine, qui débouche sur une entraide réelle et souvent se prolonge après les études par une amitié durable." (L.B. dans La Pensée et les Hommes. Sous le masque de la Franc-Maconnerie)

Si le principe de ces Ordres estudiantins est aussi ancien que celui des
corporations étudiantes commentiques (allemandes et suisses) et si leur fonctionnement n'est en soi guère plus "mystérieux" que celui des clubs chantants que sont les Guildes actuelles, l'origine exacte du terme à l'ULB est encore inconnue.

Origine du terme

Les Nébuleux -
fondés en 1887 dans la continuité de Cercles plus anciens - ne se qualifient jamais d"Ordre", bien que leur fonctionnement s’apparente à celui des Sociétés estudiantines appelées ainsi aujourd'hui : intronisation, camaraderie, rites et discrétion.

Les chroniqueurs du journal L’Echo des Etudiants et Ch. Sillevaerts dans ses mémoires - In illo tempore, 1963 - parlent tous du "Cercle des Nébuleux". C'est la même appellation qui est reprise sur deux cartons (de 1896 et de 1910) annonçant un bal des étudiants organisé par cette Société. (Voir aux Archives de l'ULB)

Le terme "Ordre" apparaît - d'après nous - en 1906 avec les Paradisiaques (L’Echo des Etudiants du 15 février 1906). Puis, il est attesté en 1920 pour les Punchistes, "ordre sévère". (Annuaire de l’Union des Anciens Etudiants de 1919-1920).

Si les Paradisiaques (fondés en 1900) revendiquent le titre d'"ordre", ils ne nous donnent qu’une définition plutôt floue de ce mot :
« Notre groupement est un « ordre » et non pas un cercle, c’est-à-dire que le mode de recrutement et de classement de ses membres ne correspond nullement aux coutumes régnantes dans les associations estudiantines. » (L'Echo des Etudiants du 15 février 1906)

Un article de L’Echo des Etudiants de 1907 nous livre un aperçu de ce "classement". Celui-ci débute avec les "Catéchumènes", se poursuit avec les "Néophytes" et les "Anges" et s’achève avec les "Archanges". (L'Echo des Etudiants du 31 octobre 1907)

Les Paradisiaques s’avèrent être une société très hiérarchisée. Leur fonctionnement ne correspond pas à celui du Cercle des Nébuleux, qui ne comptait qu'un seul "grade" : le dernier intronisé ne portant le titre d'"Infiniment Petit" que jusqu'à la réception d'un nouveau membre.

Les seuls points communs entre les Nébuleux et les Paradisiaques semblent être une certaine discrétion et l'usage de rites que nous avons évoqués plus haut. Cette remarque vaut bien entendu pour les Ordres actuels, les uns étant peu structurés et peu hiéarchisés tandis que les autres le sont fortement.

lundi 4 mars 2013

Généalogie, chapitre 2 : après les Nébuleux

Dans l'article "Généalogie, chapitre 1 : les Nébuleux", nous disions qu'il semble (d'après plusieurs sources orales) qu’à l’issue de la "Grande guerre" certains Nébuleux aient continué à se réunir quelques années au cabaret du Diable au Corps, jusqu’à la mise en sommeil du groupe. D'autres membres, sous les quolibets des premiers, auraient intégré une nouvelle société : les Macchabées.

La naissance des Macchabées

En 1919-1920, les Macchabées s’appelaient - semble-t-il - les "Funèbres Macchabées". A cette époque, ils cohabitaient avec d’autres sociétés, dont les Sauriens "aux invraisemblables capacités" (Annuaire 1919-1920 de l’Union des Anciens Etudiants de l’U.L.B.). Les Sauriens ont été fondés vers 1910 et se sont probablement éteints entre 1925 et 1930.

Si l’on apporte du crédit à un témoignage recueilli par Le Soir en 1999, les "Macchas" auraient été créés au lendemain de la Première Guerre mondiale par un groupe d’étudiants de l’ULB réquisitionnés pour aller au front en 1914. Afin de les aider à tenir le coup dans les tranchées ou dans les camps de prisonniers, des francs-maçons plus âgés qu’eux auraient organisé régulièrement des réunions secrètes basées sur la fraternité maçonnique. Un esprit de franche camaraderie que les étudiants auraient tenu à faire perdurer au sein de l’Alma Mater… (Delphine Kindermans, "Le très secret Ordre des frères Macchabées", in Le Septième Soir, suppl. du Soir, du 3 au 5 avril 1999.)

Ainsi, le nom de "Macchabées" viendrait de ce que les frères d’armes auraient vu la mort d’un peu trop près. (On retrouve la même idée dans l’Agenda de l’ULB, "En chair et en os", publié à l'occasion des 75 ans des Macchas.)

Ce sont là autant d’informations à saisir au conditionnel. La question de la fondation des Macchas dans l'immédiat après-guerre a longtemps fait débat : "on en discute encore", notait Le Soir du 21 novembre 1979. ("Manneken Pis était Maccha" in Le Soir, 21 novembre 1979.)

Avec le Cercle Polytechnique (1884), le Cercle des Sciences (1890), le Cercle de Médecine (1891), le Cercle de Droit (fin 19e - début 20e siècle) et le Cercle commercial (actuel Cercle Solvay, 1904), l'Ordre des Macchabées est l'une des plus vieilles Sociétés toujours actives à l'ULB.

Nouvelles générations d'étudiants

Nouvelle boucherie en 1940-1945, nouvelle évolution.

La période de l'immédiat avant-guerre et celle du conflit nous sont encore mal connues mais il semble (nous sommes à la recherche d'informations) que certains Macchabées se soient engagés dans la Résistance et que certains d'entre eux aient connu les camps de concentration.

Quoiqu'il en soit, il est évident que la guerre a laissé des blessures profondes : les numéros du Bruxelles Universitaire publiés après le conflit font régulièrement allusion aux camarades décédés.

La guerre et ses horreurs ont changé l'esprit des étudiants, y compris - bien entendu - celui des Macchas. D'après Elbé, "à leur tendance de gauche" d'avant l'Occupation "avait succédé une mentalité "fils à papa" dont le caractère embourgeoisé et élitiste cadrait mal avec le tempérament progressiste des jeunes étudiants de l’après-guerre". (Elbé, "Esotérisme et folklore estudiantin. Les cercles secrets d’étudiants à l’ULB, in J. Lemaire Sous le masque de la franc-maçonnerie, Série La Pensée et les Hommes, n°13, 1990.)

En 1951, face à cette tendance jugée "trop réactionnaire", quelques amis créent l’Ordre des Frères Truands, qui faillit s'appeler "les Coquillards" (Témoignage d'un Truand des années 1960). Sous les auspices de François Villon et de François Rabelais, la Truandaille impulse un folklore et une camaraderie libertaires ; sa devise sera d'ailleurs "Ny Dieu Ny Roy". (Elbé, op.cit.Ses membres sont à la fois des guindailleurs invétérés et engagés dans le syndicalisme étudiant, par exemple à l'UNEF (ancêtre de la FEF). Si l'engagement est souvent sérieux, la farce énhaurme est également présente avec - par exemple - l'édition d'un faux programme des cours. L'Ordre entre en sommeil au début des années 1980 mais, une décennie plus tard, son esprit et son folklore sont ranimés sous le nom de Frères Coquillards. L'Ordre poursuit sa course, devient mixte et accepte les étudiants non baptisés. Aujourd'hui, les Truands de la Coquille continuent à allier guindaille, discussions sur des sujets d'actualité et investissement dans la vie universitaire.

En 1969, l'Ordre du Phallus apparaît dans les remous de l'après-1968. Il s'agit à la base d'une société de guindaille, regroupant des étudiants de l'ULB et de la VUB. Peu après sa naissance, des rites, un vocabulaire et un décorum spécifiques liés entre autres au culte du vin font leur apparition. Avec le temps, la confrérie mélangera discussions, recherches philosophiques et activités festives. (Elbé, op.cit.)

D'après Thierry Della Siega, c'est en 1978 que l'Ordre des Dindons est fondé à l'ULB. (Thierry Della Siega, Ut Semper Vivant, D' Geschicht an de Folklor vun de lëtzebuerger Studenten an der Belsch, 2012, Esch-sur-Alzette) Les Dindons forment un Cercle très discret ; ils portent d'ailleurs en réalité un autre nom. Ce club serait une scission des Macchas et compterait aujourd'hui trois sous-groupes.

En 1981, l'Ordre des Chauves-Souris voit le jour au cœur de la guindaille. L'esprit festif et égalitaire y est très présent. 

En 1998, à la demande de trois Plumes, un Truand de la Coquille rédige les bases du rituel des Corneilles.

En 1999, un Truand de la Coquille porte sur les fonds baptismaux une Société à vocation littéraire : Les Cénobites Tranquilles. Celle-ci cesse ses activités deux ans plus tard, suite au décès d'un des confrères.

En 2000, quatre autres Coquillards lancent les Templiers. Dès sa fondation, la nouvelle société est très structurée et dispose d'un rituel riche, où la guindaille se marie aux discussions.

La même année, un de ces quatre Coquillards fonde également les Frères Gastéréens, dont la principale activité est alors d'organiser des banquets.

L’arbre généalogique des cercles intimes est tracé à - très - grands traits. Nous ne reviendrons pas sur les Sociétés actives nées après 1940-1945, afin de respecter la discrétion et le calme auxquels elles aspirent.

"Sociétés à vie"

Ajoutons pour finir que c'est très probablement avec les Nébuleux que le principe de "société à vie" (connu de longue date dans les corporations d'étudiants "germaniques") apparait à l’ULB.

Tout comme eux, les Macchabées, les Poils de l'Ordre du Phallus, les Chauves-Souris, les Truands et les Coquillards... continueront à appartenir à leur Ordre après leurs années d’étude. C’est d’ailleurs, comme pour les Corps en Allemagne et en Autriche et comme pour les Sociétés en Suisse, l’un des intérêts de ces sociétés corporatives.