mercredi 13 février 2013

Le Crambambuli, dans différentes langues

Traditionnellement, on prépare - et on savoure - le Crambambuli en chantant les premiers couplets du Krambambuli, écrits en allemand en 1745 par Christoph Friedrich Wedekind.



Der Krambambuli

Krambambuli, das ist der Titel
Des Tranks, der sich bei uns bewährt ;
er ist ein ganz probates Mittel,
Wenn uns was Böses widerfährt.
Des Abends spät, des Morgens früh
Trink ich mein Glas Krambambuli,
Krambimbambambuli, Krambambuli !
Des Abends spät, des Morgens früh
Trink ich mein Glas Krambambuli,
Krambimbambambuli, Krambambuli !

Bin ich im Wirtshaus abgestiegen
Gleich einem großen Kavalier,
Dann laß ich Brot und Braten liegen
Und greife nach dem Pfropfenzieh'r,
Dann bläst der Schwager tantari )
Zu einem Glas Krambambuli, )
Krambimbambambuli, Krambambuli! ) bis

Reißt michs im Kopf, reißt michs im Magen,
Hab ich zum Essen keine Lust,
Wenn mich die bösen Schnupfen plagen,
Hab ich Katarrh auf meiner Brust :
Was kümmern mich die Medici ? )
Ich trink mein Glas Krambambuli, )
Krambimbambambuli, Krambambuli ! ) bis

Ist mir mein Wechsel ausgeblieben,
Hat mich das Spiel labet gemacht,
hat mir mein Mädchen nicht geschrieben,
Ein'n Trauerbrief die Post gebracht :
Dann trink ich aus Melancholie )
Ein volles Glas Krambambuli, )
Krambimbambambuli, Krambambuli ! ) bis

Ihr dauert mich, ihr armen Toren,
Ihr liebet nicht, ihr trinkt nicht Wein :
Zu Eseln seid ihr auserkoren,
Und dorten wollt ihr Engel sein,
Sauft Wasser, wie das liebe Vieh, )
Und meint, es sei Krambambuli, )
Krambimbambambuli, Krambambuli ! ) bis

Wer wider uns Krambambulisten
Sein hämisch Maul zur Mißgunst rümpft,
Den halten wir für keinen Christen,
Weil er auf Gottes Gabe schimpft,
Ich gäb ihm, ob er Zeter schrie, )
Nicht einen Schluck Krambambuli, )
Krambimbambambuli, Krambambuli ! ) bis

En français

Le Krambambuli a été traduit notamment en français, en néerlandais et en anglais.

La version francophone du Krambambuli, rédigée en 1901 pour le Chansonnier des étudiants belges (édité par le "Studentverbindung Lovania"), est assez mauvaise. Non seulement elle s'éloigne beaucoup de l'esprit du texte mais elle n'en respecte pas non plus la métrique. La chanson en devient tout simplement inchantable sur l'air original. En Bordeaux et Bleu travaille donc à l'écriture d'une nouvelle version francophone du Krambambuli...



La version néerlandophone est nettement meilleure. Le thème et les vers sont respectés.

En néerlandais

"Krambambouli" zo wordt geheten
Dat schuimend blond studentennat.
Wie zou d'r op d'aarde iets beters weten
In alle pijn en smart als dat ?
Van 's avonds laat tot 's morgens vroeg )
Drink ik mijn glas krambambouli )
Krambimbambambouli, krambambouli. ) bis


En brandt mijn hoofd en mijne wangen,
Of breekt mijn herte van verdriet,
Of krult mijn maag in duizend tangen
Of bibbert 't lijf gelijk een riet,
Ik lach met al de medici )
En drink mijn glas krambambouli, )
Krambimbambambouli, krambambouli. ) bis


War' ik als edelman geboren,
Keizer zoals Maximiliaan,
Ik stichtte een orde uitverkoren
En als devies hin ik daaraan,
Toujours fidèle et sans souci )
C'est l'ordre du Crambambouli, )
Krambimbambambouli, krambambouli. ) bis


Is moeders geld nog uitgebleven
En heb ik schulden met de macht,
Heeft 't zoete lief me niet geschreven
De post van thuis droef nieuws gebracht,
Dan drink ik uit melancholie, )
Een schuimend glas Krambambouli, )
Krambimbambambouli, krambambouli. ) bis


En is mijn geld al naar de donder
Dan peezuig ik van elke schacht,
Al heb ik geld, al zit ik zonder,
Eens wordt 't heelal tot stof gebracht.
Want dat is de filosofie )
Naar den geest van Krambambouli, )
Krambimbambambouli, krambambouli. ) bis



Georg Mülhberg, carte postale envoyée en 1915.
Devant le chaudron, les bouteilles de champagne,
présentes dans certaines recettes de Crambambuli.

Une version anglophone du chant figure dans "Selected songs sung at Harvard College, from 1862 to 1866", édité en 1866. On retrouve dans cet ouvrage de nombreux autres chants des corporations d'étudiants germaniques, dont le "Gaudeamus igitur", "The Pope", "Integer vitae"... Ce chansonnier et d'autres du même genre laissent penser que les coutumes (et sans doute l'organisation) des corporations commentiques ont voyagé aux Etats-Unis d'Amérique.

En anglais

Crambambuli, it is the title
Of that good drink we love the best ;
It is the means of health most vital
When evil fortunes us molest.
From evening late till morning free, )
I drink my glass crambambuli. )
Crambimbam, bambuli, crambambuli. ) bis

Were I into an inn ascended,
Most like some noble cavalier,
I'd leave the bread and roast untended,
And bid the them bring the corkscrew here.
Then blows the coachman, tran tan te, )
Unto a glass crambambuli. )
Crambimbam, bambuli, crambambuli. ) bis

Were I a prince of power unbounded,
Like Kaiser Maximilian ;
For me were there an order founded, -
'Tis this device I'd hang thereon :
"Toujours fidèle et sans souci, )
C'est l'ordre du Crambambuli". )
Crambimbam, bambuli, crambambuli. ) bis

Crambambuli, it still shall cheer me,
When every other joy is past ;
When o'er the glass Friend Death draws near me,
To mars my pleasure at the last.
I'll drink with him in company )
The last glass of crambambuli. )
Crambimbam, bambuli, crambambuli. ) bis

Une version plus complète

William Howitt propose une version plus complète du texte anglais dans "The student-life of Germany", publié à Londres en 1841.

Crambambuli, it is the title
Of that good drink we love the best ;
It is the means of health most vital
When evil fortunes us molest.
From evening late till morning free, )
I drink my glass crambambuli. )
Crambimbam, bambuli, crambambuli. ) bis

Were I into an inn ascended,
Most like some noble cavalier,
I'd leave the bread and roast untended,
And bid them bring the corkscrew here.
Then blows the coachman, tran tan te, )
Unto a glass crambambuli. )
Crambimbam, bambuli, crambambuli. ) bis

Are head and stomach both distracted ;
For eating have I little zest ;
A plaguy cold have I contracted ;
Have I catarrh within my chest ?
What need the doctor trouble me, )
I drink my glass crambambuli )
Crambimbam, bambuli, crambambuli. ) bis

Were I a prince of power unbounded,
Like Kaiser Maximilian ;
For me were there an order founded, -
'Tis this device I'd hang thereon :
"Toujours fidèle et sans souci, )
C'est l'ordre du Crambambuli". )
Crambimbam, bambuli, crambambuli. ) bis

Comes there no bill my needs to better ?
Have I at play my money lost ?
My maiden, writes she not a letter ?
Come grievous tidings by of post ?
Then drink I, from anxiety, )
A brimming glass Crambambuli )
Crambimbam, bambuli, crambambuli. ) bis

(...)

And has the Bursch his cash expended ?
To sponge the Philistine’s his plan.
And thinks it folly all extended,
From Burschen unto Beggarman.
Since this is the philosophy )
In spirit of Crambambuli )
Crambimbam, bambuli, crambambuli. ) bis

Shall I for fame and freedom stand then ;
For Burschen weal the sword lift free ?
Quick blinks the steel in my right hand then,
A friend will stand and second me.
To him I say, Mon cher ami,)
Before a glass Crambambuli,)
Crambimbam, bambuli, crambambuli. ) bis

(...)

Crambambuli, it still shall cheer me,
When every other joy is past ;
When o'er the glass Friend Death draws near me,
To mars my pleasure at the last.
I'll drink with him in compagnie )
The last glass of Crambambuli. )
Crambimbam, bambuli, crambambuli. ) bis

Le Crambambuli, un très vieux punch

Nous ne connaissons pas l'origine du punch dans les Sociétés étudiantes belges, françaises ou suisses.

En Suisse, où on le sert encore en décembre ou en février, le punch flambé est souvent appelé Crambambuli. Cependant, si le Crambambuli est bel et bien un punch chaud, sa préparation diffère quelque peu.

En effet, dans la recette du Crambambuli - tel qu'on le prépare dans les coporations étudiantes allemandes -, on chauffe du vin rouge mêlé de rhum, épicé et agrémenté de fruits ; puis on place un pain de sucre au-dessus de celui-ci. Le cône de sucre est imbibé de rhum, puis il est flambé. De la sorte, le sucre chaud s'écoule lentement dans le vin chaud.

Chaque Société a sa propre recette. Certaines d'entre elles remplacent le vin rouge par du vin blanc doux et sucré (comme le Sauterne). D'autres ajoutent du champagne à ce vin blanc (2 bouteilles de bulles pour 1 bouteille de blanc).



 
Crambambuli du Stabiennensis Biel, en 2006.

Origine du Crambambuli

L'origine du Crambambuli dans le folklore étudiant est mieux connue que celle du punch.
  Une liqueur rougeâtre, appelée Krambambuli, était produite par Der Lachs à Danzig (près de Gdansk, en Pologne). Cette distillerie, fondée en 1598, fut détruite au cours de la Seconde Guerre mondiale.

En 1745, Christoph Friedrich Wedekind écrivit un poème de 102 strophes, Der Krambambuli, en l'honneur de la fameuse boisson de Danzig. Ce texte trouva très rapidement sa place dans les chansonniers d'étudiants. Depuis, on le chante pour accompagner la préparation du Crambambuli.

La Fraternitas Arctica ! (de Riga, Lettonie) a réalisé un petit film sympathique présentant le Crambambuli, une boisson décidément miraculeuse que l'on consomme en tout lieu et à toute heure.


Le punch en Suisse, chez Belles-Lettres

Dans Le Cordon d’argent, roman édité en 1940 à Neuchâtel, Léon Savary (1895 - 1968) évoque la Société suisse d'étudiants de Belles-Lettres, dont il fut membre. Il y raconte entre autres une séance où est servi un punch. Comme dans nombre de Sociétés, la séance se compose d'un huis clos (où l'on débat des questions administratives) et d'un second acte (où l'on présente des textes personnels et où l'on chante).
On retrouve ici la même atmosphère d'ancienne alchimie que celle décrite par l'écrivain belge Alix Pasquier dans Une rédemption (1912) : on éteint les lumières ; le punch éclaire les visages de sa lueur bleue ; un chant se lève tandis qu'avec la louche on fait cascader la liqueur en flamme ; enfin, le chant s'achève avec les dernières flammèches.

Aujourd'hui, les Bellettriens servent encore des "ponches", notamment à la fin des charriages, faits d'épreuves humoristiques à travers la ville.

Un punch à Belles-Lettres
La séance s’était prolongée et quelque impatience agitait les Belletriens.
- Clôture ! cria quelqu’un.
- Le punch ! cria quelqu’un d’autre.
- Attendez ! Attendez ! protesta Genton. Il n’y a pas de récitation ce soir : Verbier, qui en avait promis une, n’est pas venu.
- C’est un salaud ! hurlèrent les uns.
- Il a bien fait, ripostèrent les autres.
- Mais, poursuivit le président, nous aurons un court huis clos, puis le second acte.
- Le huis clos fut promptement expédié. Le second acte ne brilla pas d’un éclat éblouissant, mais fut honnête. Pipaille, le tenancier de l’auberge du Coq d’Inde, parut, tenant en mains un bol immense dont la vapeur enveloppait, comme un nuage mythologique, sa figure blême de vieux voyou.
On éteignit les lumières. Meilland repris sa place au piano. Barrège fut chargé de chanter la Missa fidelium. Il entonna, d’une voix sacerdotale :
Pour la fête qui s’apprête
Cueillons des fleurs dans ces bosquets,
Invitons à notre fête
Bacchus et le dieu d’amour…

La tradition veut que le chœur des assistants reprenne les vers, deux à deux, le dernier étant encore répété séparément. Dans l’obscurité, la flamme bleue du punch, où Barrège plongeait une louche d’étain, faisant cascader la liqueur brûlante, jouait des airs d’anciennes alchimies, complétait le mystère. Une communion s’établissait, chacun passant ses bras autour du cou de ses voisins et tous se balançant légèrement de gauche à droite, de droite à gauche. […] Et quelle solennité, vers la fin, quand le punch donne moins de flamme et qu’on chante plus bas, d’une voix plus grave :

Et dans ces royaumes sombres
Où nous goûterons le repos,
On n’y embrasse que des ombres
Et l’on y boit que de l’eau.

La lumière jaune des lampes revint. Manou dirigea la manœuvre du remplissage des verres. Cependant, Barrège entonnait le Lauriger Horatius.

Brève chronique et recette du Punch

L'ingurgitation d'un punch flambé (une fois le liquide en bouche, prononcez "ponche") est l'une des plus antiques coutumes estudiantines. On le savoure avec du rhum ou du cognac.

Avant la Première Guerre mondiale

Notre bathyscaphe bordeaux et bleu a plongé dans les abysses du temps. Les plus anciennes traces du divin breuvage que nous ayons retrouvées à l'ULB remontent à 1859. Mais il est possible qu'on en buvait à l'ULB avant cette date.

Une carte porcelaine illustrée, datant de la fondation de la Société des étudiants de Louvain le 22 janvier 1848, montre en effet des angelots en train de boire du punch en flammes au milieu des étudiants.

Document aimablement transmis par Benoît Bacchus P.c.n.



Le 20 novembre 1859, les étudiants organisent un banquet pour le 25ème anniversaire de l'Université Libre. Entre les deux services (plutôt copieux), les convives ingurgitent un "Punch napolitain".

Menu du banquet anniversaire de 1859. Emprunté à Quevivelaguindaille.be

Au banquet offert le 22 novembre 1884 pour le cinquantième anniversaire de l'ULB, on trouve cette fois la mention d'un "Punch Galiztin" (du nom de la famille princière russe Galitzine). Ce punch, probablement basé sur une recette différente de celle 1859, est également versé entre les deux services.

Recto du menu du banquet anniversaire de 1884, illustré par Amédée Lynen.
On reconnaît le fronton des bâtiments de l'Université, rue des Sols.


Verso du menu de 1884. Emprunté à Quevivelaguindaille.be

En février 1888, le Cercle des Nébuleux joue sa revue Eendracht maakt macht à l'Eden-Théâtre. Dans ses Souvenirs d'un revuiste (1926), George Garnir explique qu'après la dernière représentation, "les étudiants se transportèrent en corps à la Porte Verte, une vieille baraque du Treurenberg, où un punch devait flamber en leur honneur et en l'honneur de leurs invités". Et l'auteur du Semeur donne la recette du fameux punch : verser dans de grandes marmites l'eau-de-vie blanche, le vin de Tours, le champagne, le thé, le sucre caramélisé et le cognac qui, savamment dosés et mélangés, doivent être bouillis à grand feu. Avant d'y mettre le feu.

Peu après, lors de la Saint-Verhaegen 1888, on a également servi un punch lors du bal donné à la salle Saint-Michel. Le journal L'Etudiant du 22 novembre 1888 explique qu'au moment où le punch flambe, "la lueur blafarde de l’alcool nécessite la chanson des Scorpions, qui accompagne toujours cette solennité". Si nous n'en savons pas plus sur la chanson des Scorpions (adorables bestioles qui détestent le feu), cette phrase de L'Etudiant laisse entendre que la tradition du punch est déjà ancienne.

Vingt ans plus tard, la description se fait plus précise sous la plume d'Alix Pasquier. Dans son roman Une rédemption, l'ancien étudiant en Droit de l'ULB, présente un punch servi lors d'un bal de Saint-Verhaegen vers 1910 : "l'éclat des lampes électriques vacilla tout à coup. Dans l'obscurité brusquement tombée, une lueur verte frétilla, ironique comme un feu follet, douteuse et grimaçante comme un reflet des fournaises infernales ; un silence oppressé régna quelques instants, et les étudiants dans l'ombre jetèrent des regards de braise sur un spectacle inattendu. Un groupe de femmes demi-nues avait surgi, follement fantasque, pour danser une ronde diabolique autour de la chaudière du punch, large hémisphère de cuivre rouge d'où montaient, en se tordant, de grandes flammes, fluides et claquantes. (...) Cependant les punchistes hautains, de blanc vêtu, avec le haut chapeau conique des alchimistes, s'avançaient à l'intérieur du cercle échevelé. Ils versèrent dans la cuve le contenu d'une fiole bizarrement enflée ; ils agitèrent le brasier qui ronflait et riait comme une vieille sorcière ; et toute une fantasmagorie d'étincelles jaunes, vertes, rouges, monta, secouée en colonne torse. Sur les murs, d'énormes silhouettes noires, agrandies jusqu'au grotesque, faisaient des signes cabalistiques ; la ronde des danseuses, se rapprochait et ralentissait avec une douceur respectueuse ; un choeur de voix graves sonnait, du fond de la salle enténébrée, scandant sur un rythme lourd l'hymne très lent : Gaudeamus igitur, juvenes dum sumus".

Etiquette de bouteille, par Plouviez et Cie (Paris), 1920.
Document transmis par Dominique Jullien.
Dégustez son excellent site : etiquettesderhum.free.fr

Preuve que les traditions voyagent : à la même époque, les étudiants français servent eux aussi un punch lors de leurs bals. En 1880, Charles Monselet note ainsi dans son poème Le Punch qu'"On offre un punch encore / Chez les étudiants : / Prélude à Terpsychore / Ce bol qui se décore / De jets irradiants."

"Ce que l'on boit - Le Punch". Gravure sur bois.
Composition allégorique d'Edmond Morin (1859 - 1937)
autour du poème de Charles Monselet intitulé "Le Punch" (1880)
A gauche, le pain de sucre de canne.
Document transmis par Dominique Jullien (etiquettesderhum.free.fr)

"Le Punch", poème de Charles Monselet (1880).
Extrait de la Gravure sur bois d'Edmond Morin.

Pendant l'entre-deux-guerres

Avant-guerre, le club des Sauriens s'était spécialisé dans la préparation du punch. En 1913, Et l'alambic ou La cornue enchantée, la revue organisée par le Cercle des Sciences leur consacre un couplet : "C'est nous les jeun's Sauriens, / On n' se r'fus' jamais rien, / En punch nous somm's experts, / Et en amour et en madèr'."

Les Sauriens ne sont sans doute pas les seuls à avoir assuré la transmission de la tradition du breuvage brûlant après la guerre 14-18. Néanmoins, ce sont eux qui préparent le divin breuvage lors de la Saint-Verhaegen de 1923, d'après la chronique du Bruxelles Universitaire.

On ne connaît pas la recette du punch mijoté à l'ULB à cette époque. Le vocabulaire employé par la presse estudiantine à ce sujet n'est pas très clair. Il semble que, dans les années 1920, le punch s'apparente à un vin chaud amélioré d'alcool fort. 

Ainsi, lors de la Saint-Vé de 1925, Bruxelles Universitaire indique qu'un "vin chaud Kastor (cru Verhaegen 1834)", sera servi à minuit après le Bal. Le compte-rendu des festivités du 20 novembre ne parle cependant pas de vin chaud mais bien d'un "punch servi pendant le Bal, qui a manqué fort peu d'être l'extrême-onction de nos camarades."

De la même manière, en 1927, le B.U. annonce un vin chaud servi à minuit, le soir de la Saint-Vé. Mais le compte-rendu de la journée précise "que bravant le flair des fiscaux et la frousse du patron, des mains subreptices y ajoutèrent une certaine quantité d'alcool."

Bien que, dans les années 1920, le punch soit régulièrement préparé le 20 novembre, on ne le buvait manifestement pas que ce jour-là. Il a également été servi lors d'activités baptismales, par exemple au baptême du Cercle des Sciences en 1925 et au baptême de l'Ecole des Mines de Mons de la même année (ce qui, en filigrane, indique aussi que cette tradition se pratiquait ailleurs qu'à l'ULB).

En tout cas, en ce qui concerne les réjouissances du 20 novembre, le punch est encore évoqué dans la chronique du Bal de la Saint-Vé de 1929.  

Il est enfin mentionné dans le Bruxelles Universitaire du 20 novembre 1938. Un rédacteur indique qu'un punch est servi cette année-là à la fin du baptême du Cercle Polytechnique. Après cette date, on perd sa trace.


Après la Seconde Guerre mondiale

Nous n'avons donc pas (encore) retrouvé de mention du punch en toutes lettres après 1938.

En 1930, le programme de la Saint-Vé publié par le Bruxelles Universitaire annonce (avec humour) la tenue de "jeux de Rhum" sur la place de Brouckère. Il est possible - mais pas certain - qu'il s'agisse en réalité d'un punch puisque le rhum entre dans sa recette.

De 1945 à 1955, les programmes de Saint-Vé publiés par le B.U. reprennent le calembour et indiquent - sans plus de précisions - que des "jeux romains" auront lieu sur la place de Brouckère.

Après 1955, la presse étudiante que nous avons dépouillée ne parle plus ni du punch ni des jeux de Rhum. Mais l'absence de traces écrites ne signifie pas pour autant l'abandon de la coutume...

Et aujourd'hui ?

Le punch est encore bien vivant dans quelques Sociétés belges ; surtout chez les étudiants néerlandophones, qui l'appellent Crambambuli. Notamment au 'T Vat, à Bruxelles.

On le sert encore à Mons, à la fin du baptême de Polytech. D'après un Poil montois, il existerait d'ailleurs une Confrérie du Punch. Réservée aux comitards et aux présidents des Cercles de la Faculté polytechnique de Mons, l'initiation de cette Confrérie les renverrait à l'état de bleu le temps d'une journée.

Enfin, il se pratique encore un peu partout en Suisse et en Allemagne. Mais, on s'en doute, la recette a légèrement évolué depuis le temps des Nébuleux. Le champagne, trop onéreux, a ainsi disparu des ingrédients.

Voici la recette qu'on l'on rencontre le plus fréquemment. Nous l'avons ajustée pour une dizaine de Camarades :

* Mélangez dans une grande casserole
3 bouteilles de vin rouge, de préférence du Bourgogne (qui sera plus doux et plus sucré),
1 litre de porto rouge,
36 cuillères à café de sucre de canne,
1 cuillère à café et demie de cannelle,
9 clous de girofle,
1 pelure et demie d'orange,
1 orange coupée en fins morceaux,
le jus d'un citron.
Couvrez et faites chauffer le tout à feu doux.

* Dans une seconde (petite) casserole, videz
1 bouteille de rhum blanc (à plus de 50°)
Couvrez et faites chauffer à feu doux.

* Lorsque les deux casseroles arrivent à ébullition, mélangez-les. Eteignez les lumières et faites flamber le punch. Avec une louche, mélangez prudemment le liquide brûlant : les flammes montent assez haut. Il ne vous reste plus qu'à entonner un chant de circonstance. A la fin de celui-ci, posez le couvercle sur la casserole pour étouffer les flammes. Servez chaud. Prosit !

dimanche 3 février 2013

Marcel et Jules Gaspar du Diable au Corps

Durant ses études, Bizuth a croqué de nombreux Poils. En 1949, il publie son album-souvenir, sous le titre U.L.B. 20-26. Cent caricatures et quelques dessins.

On y croise le "Père Gaspar", comme les étudiants appelaient le patron du Diable au Corps, ainsi que son fils, qui suivit les cours (et guindailla) à l'ULB.

Dans sa chanson, le rite bibitif de la Mère Gaspard évoque un père et un fiston plutôt joyeux drille :
Allons, la Mère Gaspard, encore un verre, encore un verre,
Allons, la Mère Gaspard encore un verre, il se fait tard
Si l’paternel, si l’paternel revient,
On lui dira qu’ son fils est toujours plein, plein, plein…

Nous pensons comme le Camarade Touffe, que s'il n'est pas certain que le patron du Diable, sa femme et son fils soient les héros de ce couplet, l'homophonie des noms et les ressemblances entre les deux familles ont certainement contribué à populariser la chanson à l'université.






La vie estudiantine après la Première guerre mondiale


Dans son numéro du 20 novembre 1948, Bruxelles Universitaire publie une interview de Marcel Gaspar, le fils du patron du cabaret du Diable-au-Corps. Il parle de la vie estudiantine de l'évolution de la mentalié estudiantine après 1918, de Francis André (alias Clebs Fétide), des Sociétés...

Le titre de l'article, "Allons la Mère Gaspar, encore un verre", laisse penser que la chanson et le rite bibitif de la Mère Gaspard seraient nés au Diable-au-Corps, en hommage à la famille Gaspar. La différence d'orthographe entre les noms laisse planer un doute. Mais l'homophonie n'a pas échappé aux étudiants de l'ULB qui ont - sinon créé - au moins adopté la chanson.





Photo prise sur les marches de la Bourse.