Dans Le Cordon d’argent, roman édité en 1940 à Neuchâtel, Léon Savary (1895 - 1968) évoque la Société suisse d'étudiants de Belles-Lettres, dont il fut membre. Il y raconte entre autres une séance où est servi un punch. Comme dans nombre de Sociétés, la séance se compose d'un huis clos (où l'on débat des questions administratives) et d'un second acte (où l'on présente des textes personnels et où l'on chante).
On retrouve ici la même atmosphère d'ancienne alchimie que celle décrite par l'écrivain belge Alix Pasquier dans Une rédemption (1912) : on éteint les lumières ; le punch éclaire les visages de sa lueur bleue ; un chant se lève tandis qu'avec la louche on fait cascader la liqueur en flamme ; enfin, le chant s'achève avec les dernières flammèches.
Aujourd'hui, les Bellettriens servent encore des "ponches", notamment à la fin des charriages, faits d'épreuves humoristiques à travers la ville.
Un punch à Belles-Lettres
Aujourd'hui, les Bellettriens servent encore des "ponches", notamment à la fin des charriages, faits d'épreuves humoristiques à travers la ville.
Un punch à Belles-Lettres
La séance s’était prolongée et quelque impatience agitait les Belletriens.
- Clôture ! cria quelqu’un.
- Le punch ! cria quelqu’un d’autre.
- Attendez ! Attendez ! protesta Genton. Il n’y a pas de récitation ce soir : Verbier, qui en avait promis une, n’est pas venu.
- C’est un salaud ! hurlèrent les uns.
- Il a bien fait, ripostèrent les autres.
- Mais, poursuivit le président, nous aurons un court huis clos, puis le second acte.
- Le huis clos fut promptement expédié. Le second acte ne brilla pas d’un éclat éblouissant, mais fut honnête. Pipaille, le tenancier de l’auberge du Coq d’Inde, parut, tenant en mains un bol immense dont la vapeur enveloppait, comme un nuage mythologique, sa figure blême de vieux voyou.
On éteignit les lumières. Meilland repris sa place au piano. Barrège fut chargé de chanter la Missa fidelium. Il entonna, d’une voix sacerdotale :
Pour la fête qui s’apprête
Cueillons des fleurs dans ces bosquets,
Invitons à notre fête
Bacchus et le dieu d’amour…
La tradition veut que le chœur des assistants reprenne les vers, deux à deux, le dernier étant encore répété séparément. Dans l’obscurité, la flamme bleue du punch, où Barrège plongeait une louche d’étain, faisant cascader la liqueur brûlante, jouait des airs d’anciennes alchimies, complétait le mystère. Une communion s’établissait, chacun passant ses bras autour du cou de ses voisins et tous se balançant légèrement de gauche à droite, de droite à gauche. […] Et quelle solennité, vers la fin, quand le punch donne moins de flamme et qu’on chante plus bas, d’une voix plus grave :
Et dans ces royaumes sombres
Où nous goûterons le repos,
On n’y embrasse que des ombres
Et l’on y boit que de l’eau.
La lumière jaune des lampes revint. Manou dirigea la manœuvre du remplissage des verres. Cependant, Barrège entonnait le Lauriger Horatius.