dimanche 14 mai 2017

1920-1948 : Bruxelles Universitaire, journal de l’Association Générale

Le jeudi 30 mars 2017, la Société du Grand Clysopompe présentait une exposition dédiée au Bruxelles Universitaire dans les salons de la Petite Fleur en Papier Dorée, rue des Alexiens.

Pourquoi ? Parce que ce fut le plus dynamique des journaux estudiantins. Parce que près de 30 années d'existence, c'est inédit dans la presse étudiante.
Parce qu'il est une source inestimable pour aborder la vie universitaire, tant poilique que politique. Parce que Bizuth, Jean Dratz et Francis André y ont fait leurs armes avant de se lancer dans le dessin de publicitaire ou la création théâtrale.

Cette chronique s'appuie sur l'article "A la pêche dans vingt années de B.U.", publié par le journaliste Albert Bouckaert dans le Bruxelles Universitaire du 27 avril 1938. Cet article commémoratif est notamment complété par diverses brèves publiées ici-même.
 
 
 
Naissance d'un monstre
 
Le numéro « princeps » du Bruxelles Universitaire porte la date de mars 1920. Le journal fut fondé par Paul Vanderborght au « Château d’Or » au cours d’une séance de l’Association Générale des étudiants (A.G.), alors présidée par Emile Janson. C’est également à Vanderborght que l’on devra - entre autres - les Fleurs du Mâle (en 1922).
Le nom du Bruxelles Universitaire
a peut-être été inspiré par son cousin de Liège.
Liège Universitaire exista vers 1900.

Ce premier numéro, imprimé chez De Backer et Degey (236 rue de Brabant à Bruxelles), se compose de quatre pages grand format (37cm sur 56). Ses fondateurs annoncent que le journal paraîtra avec une régularité bien estudiantine, c’est-à-dire à dates non fixées.

Né sous le signe du libre examen (auquel le recteur Léon Leclère consacre un article dans le numéro), « B.U. » précise en ces termes sa « position » : « Il se contentera de défendre avec fermeté l’enseignement rationaliste de l’Université et de faire guerre tenace aux dogmes obscurantistes qui entravent les progrès de la science et l’émancipation des esprits. »

Numéro 3 , en juin 1920. C’est ici que les horreurs commencent, comme le dit la chanson. Jusqu’ici l’A.G. distribuait gratuitement « B.U. » à ses membres. Une telle générosité ne pouvait durer. Aussi, en tête du troisième numéro, lit-on : « Devant les frais d’impression trop considérables, nous nous voyons obligés de mettre le journal en vente. » Il est vrai qu’en août 1920 (numéro 5) - « B.U. » paraît alors même pendant les vacances -, le journal tire à 3.000 exemplaires, ce qui a un coût.

Autre changement annoncé officiellement dans le numéro du 22 novembre 1921 : « Le camarade Vanderborght transmet la plume de rédac-chef au poil Denayer. Bizuth, enrôlé parmi les caricaturistes de l’armée, lègue ses registres administratifs au camarade Thiry. » Toute la correspondance, ajoute l’annonce, doit être adressée à la Maison des Etudiants, alors située au Palais d’Egmont. Le changement d’équipe rédactionnelle a-t-il été fait trop tôt pour un journal encore jeune ? Ou la relève a-t-elle été mal assurée ? Quoiqu’il en soit, « B.U. » est mis en sommeil.

Nouveau départ, nouvelle manchette, nouveau format

Après deux longues années d’éclipse, le journal reparaît en novembre 1923 mais… sur huit pages et avec une manchette illustrée par Jean Dratz, qu’il conservera fidèlement malgré ses futurs changements d’aspect. Bruxelles Universitaire se fixe comme objectif de paraître « avec régularité le 1er et le 15 des mois académiques. » Ce numéro publie un long article du secrétaire de l’Unif sur la future cité universitaire du Solbosch. Les Poils et Plumes se préparent doucement à quitter la rue des Sols et les cafés du centre-ville.

Le 15 novembre 1923, le journal adopte les dimensions des « revues » (21cm sur 27). Ce format l’emportera largement en fréquence sur le gabarit initial. Il adopte également un ton mi-académique mi-estudiantin.

En décembre 1923, la silhouette de Manneken Pis, récemment fait Poil honoraire de l’U.L.B. trône en Une. Et « B.U. » annonce une hausse de son prix : il se vend 60 centimes à l’extérieur de l’Université et 25 centimes intra muros.



De 1924 à 1928 : « B.U. » encourage le sport puis… se redynamise

Au cours de sa folle jeunesse, Bruxelles Universitaire s’est intéressé à tout : vie des cercles, sports, pièces de théâtre, cancans... Mais à partir de novembre 1924, les colonnes débordent d’articles trop sérieux (bien que la blague ne soit pas absente). Certains lecteurs trouvent la revue assommante. La faute en est au manque de contributions essentiellement estudiantines.

On entre alors dans une brève ère sportive. La plupart des numéros sont consacrés en grande partie à l’aviron, au tennis, à l’escrime, au football et à la course à pied. Un peu de sport, c’est bien ; mais trop, c’est mauvais pour la santé (du lecteur).

A la rentrée d’octobre 1926, le journal manque à l’appel, sans que l’on sache pourquoi. Toutefois, il renaît de ses cendres à l’occasion de la Saint-Verhaegen avec une rédaction renouvelée, « accrue de nombreux éléments de haute valeur ». Objectif : changer de ton. Et de fait, en octobre 1927, « B.U. » entre dans sa neuvième année avec un article sur les « exploits » des Poils de l’ULB dans les bordels romains : la page des textes trop sages des années précédentes est définitivement tournée.

La rénovation du journal s’applique aussi à l’iconographie. La couverture de chaque numéro s’orne désormais d’un dessin hilarant de Francis André, qui signe « Clebs phétide ». On retiendra son projet de machine à démanchabaliser les noveltystes, ces étudiants pédants et branchés. C’est de ce projet que le Cercle polytechnique s’inspirera pour réaliser son excellent char à la Saint-Vé 1938.



En octobre 1927, « B.U. » définit « officiellement » son ennemi irréductible : « le manche à bal ». « Le manche à bal - dit-il - affecte (c’est un premier symptôme) un air de mépris envers la penne, il se refuse à arborer une casquette qu’il juge inélégante et sale. (…) Le second état de la maladie se traduit par le dégoût des cartes et de la bière. La vue d’un « à fond » scandalise le malade et le glace d’horreur. Enfin, le troisième stade - quasi inguérissable - conduit la victime à un gâtisme précoce et l’entraîne à partager son temps entre les auditoires, son bureau et la bibliothèque royale. » Le journal donne quelques conseils pour éviter d’être atteint de « manchabalisme » et, surtout, montre l’exemple par le fond et la forme de ses articles.

A cette époque, des tonalités nettement estudiantines colorent la revue. Et cette évolution vers plus de légèreté - et d’esprit - se reflète dans ses sous-titres. La sévère mention « Littérature, arts, sciences, sports, questions universitaires » qui figure de longues années dans sa manchette est remplacée par des sous-titres dont plusieurs ne servirent qu’une fois : « Organe mondain, diplomatique et universellement apprécié », « Moniteur des personnes de qualité », « Le bréviaire du parfait étudiant », « La terreur des bélîtres », « Le livre de chevet de tout intellectuel bien pensant », « Publication officielle et périodique pour le maintien des traditions ». Finalement, la carte de visite se stabilisa (momentanément) en ces termes : « Revue satirique mensuelle des étudiants de l’U.L.B. »

En novembre 1928, au seuil de sa dixième année « académique », « B.U. » publie un copieux numéro spécial, richement illustré. Au sommaire, on trouve notamment un long article du professeur Frans Van Kalken sur Théodore Verhaegen, un récit amusant d’un voyage des étudiants bruxellois relaté par George Garnir, un tableau de la presse estudiantine bruxelloise de ses origines à 1928, des échos de la vie des Cercles, la « poire » des plus fins Poils de l’époque. Bref, ce numéro est une sorte de synthèse de l’esprit du Bruxelles Universitaire de cette période : foisonnant, à la fois sérieux et léger.




De 1928 à 1938 : de la joie exubérante à la montée des fascismes

Au lendemain de la célébration de son premier jubilé, « B.U. » repart de plus belle, fort de son âge et de ses traditions solidement assises. Son allure ne varie guère au cours des deux lustres suivants : les articles sérieux côtoient les potins et échos, la vie des Cercles, les romans loufoques, les fantaisies inspirées par l’actualité ou la campagne en faveur d’une belle idée ou d’une noble cause.

1928 est une année importante pour les étudiants. L’ULB quitte définitivement les locaux de rue des Sols, chaleureux mais désormais trop exigus. Les étudiants déménagent au Solbosch, dans des bâtiments que beaucoup d’entre eux jugent trop grands. Les contacts entre les facultés se distendent quelque peu. L’année suivante, en 1929, le cabaret du « Diable-au-Corps », qui accueillait sans distinction les Poils de tous les Cercles, ferme ses portes. Comme l’Unif de la rue des Sols, il tombe sous les coups de pioche. Face à ces pertes irrémédiables, Bruxelles Universitaire permet de maintenir un lien entre les différents Cercles. Mais cette triste situation lui offre aussi l’occasion de se développer.

Clebs Phétide plante le nouveau Campus (dont on reconnaît le bâtiment U)
et la Maison des Etudiants en plein désert et leur donne des allures de caravansérail.
Il est vrai que le Solbosch est alors une vaste plaine « inhabitée ».
Pour la première fois, la Une annonce le siège de l’administration
à la Maison des Etudiants avenue des Nations (actuelle avenue Roosevelt).


En 1931, quelques jours après Pâques, éclate l’« affaire Léo Moulin ». Un étudiant de Philosophie et Lettres, ex-président du Cercle du Libre Examen, a été arrêté et emprisonné en Italie. Il est accusé d’avoir transporté des documents « subversifs » dans une malle à double fond. Son hostilité à l’égard du régime fasciste était bien connue. Manifestations, meetings : tous les étudiants se mobilisent. L’A.G. s’engage pour obtenir sa libération et « B.U. » - dont il est l’organe officiel - relaie les informations. Les Anciens et le recteur Smets se mobilisent aussi. Le procès se déroule alors sous l’œil de l’opinion publique nationale et internationale. Moulin est condamné par un tribunal spécial à deux ans d’emprisonnement mais voit sa peine réduite par la suite. Cet épisode est le premier coup de tonnerre dans le ciel estudiantin bruxellois.



En février 1933, nouvelle perte, la revue publie sous forme de lettre de faire-part un numéro spécial consacré à la mort de la Maison des Poils du Solbosch « inopinément muée en patronage estudiantin ». Mais la satire reste de mise. Ainsi, le numéro du 25 janvier 1934, qui contient, encarté, un bulletin de vote pour l’élection du « Prince des Manchabals ». Six listes sont en présence. Les mérites des candidats sont résumés au verso. Chacun appréciera l’« humour » de ce concours.

Centenaire de l’ULB. La frégate de l’ULB flotte toujours malgré les attaques
des calotins, des manchabals et des noveltystes.
Dessin du Clebs Phétide (qui décline une nouvelle fois le thème du bateau).
Ce dessin resservira pour le numéro des 20 ans du « B.U. »


L’équipe éditoriale conserve le format revue jusqu’au 15 mars 1935 et revient au format journal avec le premier numéro de l’année académique suivante, sans doute pour des raisons de coûts et d’« esthétique ». Mais en 1936, on assiste à la renaissance du format revue avec un numéro dont la couverte porte, en gros caractères : « Il n’y a pas de place chez nous pour les Rexistes ». L’opposition à Rex, mouvement nationaliste chrétien et antisémite, est réaffirmée dans l’éditorial, qui précise que tout article sera inséré à l’exception de ceux qui défendent le rexisme, le calotinisme, le manchabalisme, le noveltysme… Et c’est ce même numéro inaugure la rubrique satirique « Le Pet irréel », dont le titre parodie celui du journal rexiste « Pays réel ». Bien que teintée d’humour (dans un premier temps), la politique se mêle peu à peu à la vie estudiantine…

Car, qu’on ne s’y trompe pas, malgré leurs airs bouffons, les étudiants de l’époque sont attentifs à la montée des mouvements nationalistes et autoritaires partout en Europe…


Une caisson à savon Sunlight, transformée en machine
pour la dégrellisation des rexistes,
imaginée par Clebs Phétide.


Un Poil tend le « B.U. » qui « n’est pas mort » :
le combat contre le rexisme n’est pas fini.
Louis Fonsny (dont le nom figure en Une) est secrétaire
du Comité de soutien à l’Espagne républicaine.
Il écrit des articles virulents contre Degrelle. Il collaborera au « Soir » contrôlé
par l’occupant allemand. Il est abattu en janvier 1943 par le Résistant Jean Coppens,
étudiant en droit.
Ce dernier est arrêté et fusillé en mai 1943.


Un deuxième coup de tonnerre retentit à l’U.L.B. en novembre 1936 lors de la mort de Pierre Brachet. Intellectuel de grand format, Pierre Brachet avait laissé une vive impression à l’Université d’où il était sorti docteur en Droit trois ans plus tôt. Jeune journaliste socialiste, Brachet était parti en Espagne dès le début de la guerre civile. Fidèle à son combat antifasciste, il s’y engagea dans l’armée républicaine car il estimait que le sort de la liberté de l’Europe s’y jouait alors. C’est en continuant à tirer à la mitrailleuse - malgré un ordre de repli - qu’il périt sur le front du Manzanarès. Son décès suscite immédiatement des témoignages de respect à l’Université et des évocations élogieuses paraissent dans les journaux estudiantins, dont Bruxelles Universitaire.

Cette mort tragique et son écho dans la presse étudiante ont-ils servi de déclencheur à une action collective ? En tout cas, au sein de l'Université, toutes les tendances politiques (des communistes aux libéraux) s’uniront dans le Comité d’aide à l'Espagne républicaine afin de lancer un mouvement d'organisation de collectes en vue de la création de deux homes pour enfants en Espagne.

Quelques délégués de l’A.G. étudiante, du Cercle du Libre Examen et des divers cercles politiques partent en décembre 1937 - janvier 1938 sur le terrain, à Barcelone et Madrid notamment pour vérifier l'utilisation des fonds. Le Bruxelles Universitaire, porte-voix de l’A.G. et relais des Cercles, se fait l’écho des débats entourant la guerre civile et rapporte les différentes actions menées en faveur du camp républicain jusqu’en 1939.

Cette unité estudiantine antifasciste, républicaine et laïque fut-elle une sorte de Front Populaire ? Non. Mais pour beaucoup de participants, la réflexion et l’action antifasciste allaient aboutir à la Résistance à l’idéologie et à l’occupation nazies.

Troisième coup de tonnerre… Un autre conflit s’annonce. Mais, en février 1937, l’allongement du service militaire est dénoncé : « 17 mois pour redevenir sauvage », proclame la revue. Et en octobre 1939, la mort règne en Une sur un champ de tombes et le sous-titre « Elle…. De plus en plus fraîche… De plus en plus joyeuse… » parodie l’esprit va-t-en-guerre de 1914. L’éditorial, désespéré, opte résolument pour le pacifisme : « L’Europe se trouve actuellement engagée dans un conflit qui risque fort de tourner au massacre mondial. (…) Nous refusons de croire aux vertus civilisatrices d’un tel chaos : nous ne voulons pas en tout cas être la matière première de ces constructeurs d’avenir. Nous ne pouvons admettre au problème social une solution qui exige le sacrifice de toute une jeunesse. (…) C’est pourquoi nous sommes fermement décidés à combattre la guerre. Nous crierons son horreur, nous clamerons notre dégoût, nous la dénoncerons dans tous ses actes et cela sans réticence, envers et contre tous. (…) Nous savons que nous prêchons dans le désert ; la sanglante machine s’est ébranlée, il n’est plus en notre pouvoir de l’arrêter. » Les chroniques antimilitaristes se veulent spirituelles mais, sous l’ironie, on sent poindre le fatalisme et l’amertume. C’est avec l’encre d’un humour très noir que ce numéro est imprimé.


Dessin de Clebs Phétide.



Les chroniqueurs du numéro du 15 mars 1940 tentent eux aussi d’être légers mais n’y parviennent pas non plus : « L’Epistole du bleu Bizuth à l’élue de son cœur » traite du baptême et donc de l’avenir (… des Cercles) cependant l’article est ponctué de notes mélancoliques voire angoissées : la Saint-Verhaegen a été gâchée par l’absence des anciens, enrôlés dans les rangs de l’armée, à l’uniforme « couleur de terre ». C’est le dernier numéro du « B.U. » avant la déflagration internationale. Les premiers étudiants de l’U.L.B. tombent au front en mai 1940.

Dernier numéro du « B.U » publié avant le conflit.
Dessin déjà employé en octobre 1934.
Le train est un thème récurrent chez Clebs Phétide.

 

Après la Seconde Guerre mondiale

Pendant la guerre, nombre d’étudiants et d’anciens de l’U.L.B. s’engagent dans les rangs de la Résistance, entre autre dans le Groupe G. Beaucoup y trouvent la mort. D’autres meurent en déportation dans les camps nazis. L’atmosphère des Cercles s’en trouve durablement marquée. Cependant, la Saint-Verhaegen 1944 voit renaître le Bruxelles Universitaire. Ce numéro et plus particulièrement la première « Epistole du bleu bizuth à l’élue de son cœur » reflètent la mentalité de l’époque : « Vous verrez fleurir à nouveau dans les colonnes de notre vieux canard les signatures et les pseudonymes de mes merveilleux camarades, que vous connaissez, que vous chérissez presque autant que moi, tant je vous en ai parlé. Eux aussi, la vie les a pris dans ce qu’elle a de plus âpre et de plus cruel. Il en est dont je vous contais les joyeusetés et la pétulante jeunesse, que je ne citerai plus, désormais, qu’en baissant la voix, avec respect, parce qu’ils sont morts, quelque part. (…) Mais les autres, ma chère, je les ai à mes côtés, souriants et actifs, comme jadis, avec l’élan de leur fraternité qui me pousse et m’anime. C’est avec eux que j’ai passé tel ou tel moment difficile de ces quatre ans funestes. Tous ont l’air de voir au-delà de ce qu’ils regardent, quelque chose qu’ils ne voyaient pas avant. (…) Mais tous, quand ils me retrouvent, leur prunelle éclate et leurs dents sourient. Et notre joie jaillit, s’étend et nous enveloppe quand nous nous faisons des confidences et que nous travaillons ensemble ». Les pages suivantes abordent notamment les actes de Résistance de l’Association générale et de l’Union des Anciens Etudiants pendant l’Occupation. Jean Mardulyn, président de l’A.G. en 1941, est d’ailleurs chaleureusement salué dans le « B.U. » de mai 1945 à l’occasion de son retour du camp de concentration de Buchenwald.

Reprise des cours… à la plus grande joie de tous…
Un professeur lit Aristote.
Entre ces pieds, un Poil coiffé d’un béret tente de s’emparer d’une bouteille.


Le souvenir des anciens, morts au combat ou en détention, l’action dans la joie et une soif de vivre débridée seront les maîtres mots qui inspireront de nombreux articles du « B.U. » de l’immédiat après-guerre. Les Bleus sont ainsi souvent exhortés à s’investir dans les Cercles et à profiter de la liberté pour laquelle tant d’anciens Poils sont tombés. Et puisque la vie triomphe, le journal rappelle les joyeuses traditions de la Saint-Verhaegen (comme dans le numéro du 20 novembre 1945) et détaille à nouveau les activités des Cercles, qui reprennent force et vigueur.

L’ULB rouvre ses portes le 20 novembre 1944 mais il n’y a pas de Cortège
cette année‑là, une partie du territoire étant encore occupé.
Un rassemblement a néanmoins lieu au Solbosch, devant la statue de Verhaegen,
et à la colonne du Congrès. C'est en 1945, après six ans d'absence,
toute l’énergie du Cortège de la Saint-Vé est libérée dans la ville.
Dessin de Clebs Phétide.

Une longue liste de chroniques « scientifiques » de l’Opossum (cet animal qui se mute en objet désirable bien qu’inutile ou en bourgeois à la poche ventrale fournie) est inaugurée par le numéro de la Saint-Verhaegen 1946. Elle donnera naissance à d’autres études rigolotes de la Belotte ou encore de la Buse, toutes dignes de la plume des plus grands savants. La fantaisie « fête » son retour.

Le « B.U. » est au plus haut. Il est drôle et fourmille d’informations estudiantines et académiques. Sa mise en page est parfaite. Tout est pour le mieux. En février 1948, la mention « Organe officiel de l’A.G. des étudiants » figure en sous-titre. Mais trois mois plus tard, suite à des tensions internes à l’Ordre des Frères Macchabées, l’A.G. rompt le contrat d’abonnement collectif qui le liait au « B.U. ». En mai 1948, « B.U. » annonce qu’il « entend bien ne pas changer sa ligne de conduite » et qu’il « n’a, comme par le passé, qu’un seul désir : que l’opinion de tous les étudiants se reflètent dans ses colonnes. ». Cependant, sans le soutien financier de l’A.G., la rédaction doit vendre le journal par ses propres moyens. Les contributions des Cercles (compte-rendus, articles) se poursuivent dans un premier temps puis disparaissent une à une. La chute s’accélère vers avec l'essor  du « Bruxelles Estudiantin », fondé en 1948 avec l'objectif de remplacer l’ancien « B.U. », bien que la nouvelle revue n’arrive pas à l'égaler.

Parodie de la « Brabançonne » qui ironise sur les tensions internes
aux Macchabées, qui ont conduit l’A.G. à rompre son abonnement
avec le « B.U ». Le Poil dessiné est peut-être Marc V.R.
par qui le « scandale » est arrivé (selon le « B.U. »).

Char du Bruxelles Universitaire à la Saint-Verhaegen 1952.
Le panneau frontal porte aussi une publicité pour l'estaminet de la Jambe de Bois.

 
Char du Bruxelles Universitaire à la Saint-Verhaegen 1952.
L'un des panneaux latéraux porte le texte "Hamlet. To be or not to be"
et présente une Marianne républicaine tenant la tête du général de Gaule.
Et un autre panneau avec le texte "Théâtre de l'ONU" représentant un militaire allemand.

En 1959, dix ans après la rupture avec l’A.G., « B.U. », dans la dèche et sans contribution, n’est plus que l’ombre de lui-même. La presse estudiantine a perdu un de ses fleurons. A moins que… ?

vendredi 5 mai 2017

Penne du Cercle de Chimie

Dans sa somme, La Belle Histoire du Cercle des Sciences de l'ULB (2015), Michel Hermand relate la naissance du Cercle de Chimie en 1932 sur les ruines du Cercle des Sciences. Il relève notamment que le nouveau cercle des chimistes "a voté pour la création et le port d'une nouvelle penne : penne en soie mauve galonnée d'argent". L'écusson de l'Association générale des étudiants est abandonné et remplacé par un insigne argenté représentant un absorbeur de Liebig. (in Bruxelles Universitaire de février-mars 1932)

L'adoption d'une penne entièrement mauve peut surprendre à l'heure actuelle où la quasi totalité des pennes facultaires sont blanches. Mais d'une part les Polytechniciens portaient alors la penne noire depuis trois décennies. Et, d'autre part, comme le rappelle Michel Hermand, le Cercle de Pharmacie optera quant à lui pour la penne verte en mai 1932. Ce choix était donc dans l'air du temps.

Voici ci-dessous une de ces fameuses pennes de chimistes. Elle a été dénichée par le Poil Bram Desmet. Elle arbore entre autre une médaille d'étudiant français, une faluche coiffant un blason de la ville de Lille, preuve - s'il en fallait encore une - que les étudiants voyagent énormément dans les années 1930.

Bram a pu identifier la penne comme étant celle Jean Massart, baptisé en 1932 et président du Cercle de Chimie en 1936-1937.