vendredi 18 décembre 2015

1848 : deuxième Société et première penne de l'ULB ?

Une petite perle sommeillait dans "Le Diable à Bruxelles", écrit en 1853 par Louis Salomon Hymans et Jean-Baptiste Rousseau. C'est Julie Facker, doctorante en littérature belge à l'Université libre de Bruxelles, qui vient de la découvrir et de nous la signaler.

Un passage du "Diable à Bruxelles" nous renseigne sur ce qui fut vraisemblablement l'une des deux premières Sociétés étudiantes de l'ULB, active en 1848. Si son nom nous reste inconnu, son existence éphémère et sa date de dissolution correspondent en tout cas à celles des deux premiers clubs de l'ULB dont seront issus les Adelphes, évoqués par Gustave De Breyne - Du Bois dans ses "Vieux souvenirs" (1906). Un autre élément corrobore notre hypothèse : "Le Diable à Bruxelles" précise qu'une Société est constituée peu après la disparition de la société "anonyme" en 1848 et se réunit rue Montagne de la Cour : c'est précisément le cas des Adelphes.

Cet extrait nous informe aussi sur le port d'une casquette verte par ce très ancien club anonyme. S'il n'est pas certain que ce fut le premier couvre-chef estudiantin, il semble en tout cas acquis que la présence d'étudiants allemands à Bruxelles n'est pas étrangère à son adoption. Faut-il y voir une influence des traditions estudiantines germaniques sur notre folklore ? Sans doute. Il est d'ailleurs probable que les étudiants allemands aient transmis d'autres coutumes. C'est du moins ce que laisse penser un article de l'Illustrierte Zeitung de 1863 qui signale que la Société des Crocodiles, fondée en 1853, frottait des Salamandres, rite bibitif estudiantin typiquement germanique.

Les étudiants allemands, réunis dans l'Allgemeine Deutsche Burschenschaft, venaient alors - en 1848 - de participer à la révolution allemande, fidèles en cela à leurs idéaux égalitaires, libéraux et démocratiques. (Les Burschenschaften ont hélas aujourd'hui basculé à l'extrême droite.)

La raison du choix d'une casquette verte à ganse d'or n'est pas connue. Pour les auteurs du "Diable à Bruxelles", c'était pourtant là un "signe irrécusable d'exaltation" ; ils estiment d'ailleurs que la Société est sous l'influence des idées révolutionnaires de Blanqui. L'allure générale du couvre-chef devait sans doute trop rappeler celui des étudiants germaniques.

On sait par ailleurs que les étudiants liégeois portent eux aussi une casquette verte en 1860. Mais il n'y a peut-être pas de lien.


"Le Diable à Bruxelles", volume 1 page 30

"Dans l'origine, je parle de 1848, les étudiants siégeaient à l'hôtel de Barcelone. Il y avait là une société, à un franc par mois de cotisation, qui faisait des affaires plus brillantes que le soleil. Cent membres et plus, marchant au doigt et payant à peu près à l'œil. Un billard au premier, leur propriété exclusive. Dieux ! Dans ce temps de révolutions, que de parties de politique on a jouées autour de ce billard ! Que de dissertations à l'heure sur le gouvernement démocratique et l'organisation du travail. Que de guindailles fraternitaires sur les tapis en toile cirée ! Que de volcans jetant feu, flammes, exordes et péroraisons ! Les discours embrasaient la soif, la soif tarissait les verres et le boze faisait sa fortune. Cette fortune incendiaire data surtout du moment où des étudiants allemands sortirent tout couronnés d'éclairs des orages de leur patrie et vinrent lever le verre autour des tables de l'hôtel de Barcelone. La Marseillaise se mit à retentir au premier de cinq heures à dix heures du soir, les robinets du boze s'élevèrent et s'abaissèrent avec une activité à tomber de lassitude, et l'université insurgée adopta pour signe de ralliement une casquette verte à ganse d'or. A quoi tient pourtant le sort des belles institutions ! La casquette verte fut la perte de l'association blanquinisée ; à ce signe irrécusable d'exaltation, plusieurs membres prirent la clef de la rue ; deux mois après, la société fut dissoute ; je ne sais ce que le boze est devenu.

"Je me souviens vaguement qu'il y eut plus tard une société d'étudiants au Pot d'Or, Montagne de la Cour."

jeudi 13 août 2015

De la Jambe de Bois à l'agent Bedebois

La Jambe de Bois... On en trouve la trace dans de nombreux journaux estudiantins. Elle est restée dans les mémoires vieux Poils comme le théâtre de cuites monstres et de solides bagarres entre Truands et Macchas.

Un zoom s'impose

Le cabaret de La Jambe de Bois - qui dût son nom à Jean-Joseph Charlier dit la Jambe de Bois, le célèbre canonnier de la révolution belge de 1830 - a été un haut lieu de la guindaille. L'ensemble était une sorte de salon d'art estudiantin : des peintures étaient barbouillées aux murs tandis que des chasses d'eau et tout une collection d'"opossums" pendaient du plafond.

Enracinée au 16 rue de Soignies, où elle a vu le jour après la première guerre mondiale, la Jambe de Bois est tombée sous les pioches au cours des années 1950.

Publicité du Bruxelles Universitaire du 26 octobre 1945.

François Samin a consacré un article synthétique à "La vraie Jambe de Bois" dans la Revue du Cercle d'Histoire de Bruxelles et extensions (n°117, septembre 2012, www.cehibrux.be).

Collection de François Samin.

Il y relève la chronique "Air de chez nous" signée en 1968 par Pierre Novelier. "Le 16 rue de Soignies : C'était une masure de deux étages, chaque étage n'ayant qu'une seule pièce. Au rez-de-chaussée, une salle basse pourvue de deux fenêtres étroites, était meublée d'un vieux comptoir, de tables bralantes et de bancs encore plus vétustes, accolés aux murs.
Sur le comptoir se voyaient une pompe à bière, un tonneau complètement recouvert  de sous troués et cloués et un tourne-disque.
Le vieux poêle donnait plus de fumée que de chaleur. La chose la plus remarquable était une porte vitrée sur le carreau de laquelle se trouvait gravée une image de Charlie-la-Jambe-de-Bois. La vitre est malheureusement brisée un soir de grand chahut. Un escalier raide et obscur conduisait aux chambres réservée aux clients fidèles, nombreux surtout le samedi.
Les murs étaient couverts de fresques peintes par des jeunes artistes dont plusieurs se feront un nom par la suite. Parmi les fresques se cachent des vers estudiantins :Nos moments les plus doux
Ont pourtant leur tristesse.
M'étant grattant la fesse,

J'y vis passer des clous.
Les fresques des étages n'étaient pas à montrer à tout le monde.
Le reste de la décoration était constitué de "trophées", des centaines de poignées et de chaînettes de chasse de W.C. pendues au plafond, des plaques émaillées, des lanternes dérobées dans les chantiers des trams."
(François Samin, "La vraie Jambe de Bois", op.cit.).


En 1938, la présence des étudiants de cet estaminet s'explique par l'atmosphère de vieux cavitje et de boîte montmartroise. Mais aussi par les amitiés, que Dauphin - le jeune patron -, candidat notaire et éternel étudiant, a gardées dans les milieux universitaires. (François Samin, "La vraie Jambe de Bois", op.cit.).

La Seconde Jambe de Bois

Un texte publicitaire, daté de 1952, annonce le changement de locaux : "La Jambe de Bois devant quitter ses vieux murs (rue de Soignies) livrés à la pioche des démolisseurs, un garçon déniche au 5, Impasse de la Barbe - place Fontainas -, des caves auxquelles ils accrochent la même enseigne." (François Samin, "La vraie Jambe de Bois", op.cit.).

L'impasse de la Barbe longeait le flanc droit de la Maison des Huit Heures, place Fontainas.


Autrefois, ces caves voûtées dépendaient d'une importante ferme-brasserie, nous dit François Samin dans la Revue du Cercle d'Histoire de Bruxelles. "Le linteau de la porte d'entrée des caves portait le millésime 1560. Morcelée au cours du temps, la cave de gauche va servir de cave à gueuze, lambic, faro pour la brasserie Van Malder. La cave de droite, acquise par Jef Marchand (baes du "Vieux Saint-Pierre") lui servira d'entrepôt des bières. Transformées en caves à champignons, elles finissent en apothéose, ce sera la "Jambe de Bois", seconde du nom". (François Samin, "La vraie Jambe de Bois", op.cit.).

Collection du Cercle d'Histoire de Bruxelles

Affiche imprimée à l'occasion de la ré-ouverture du cabaret.
Document transmis par Bram Desmet.

En 1961, le site est à son tour rasé pour faire place à un parking.

Le patron fait alors frappé une médaille estudiantine, en forme de bière tombale. "Ci-gît la Jambe de Bois" y est-il écrit. C'était évidemment de saison. Mais l'inscription est peut-être aussi un clin d'œil aux épitaphes que Dauphin (le patron de 1938) et son successeur Roger Lefebvre (réputé frère Macchabée) avaient peintes sur les murs de la première Jambe de Bois.

L'un avait écrit : "Ci-gît gai sire Dauphin,
Qui oncques notaire fut ;
Resta longtemps clerc en faim,
Pour devenir chantre en fût !"

Tandis que l'autre avait signé : "Roger Lefebvre ici repose,
Il ne fit jamais autre chose.
Ce fut un homme sage,

Qui jamais à aucun âge,
Du travail se fit un épouvantail."

Collection privée.

La lettre de faire-part du décès annonce que le service funéraire aura lieu le 28 juillet 1961. Mais que "la Tradition continue, car tel le Phénix, la Jambe de Vois ressuscitera de ses cendres 47, rue Van Helmont."



La cave avant sa démolition. Collection du Cercle d'Histoire de Bruxelles.

"Atmosphère, atmosphère..."

Les photos qui suivent, transmises par le Camarade Bram Desmet, ont naturalisé les Poils du Cercle des Sciences dans leur biotope, au cours des années 1950. Elles permettent de se faire une idée de l'atmosphère qui régnait à cette époque à Jambe de Bois. On y buvait (et pas que de la Spa bleue), on y rejouait les "Quatre-Vingts Chasseurs", on y baptisait même.

Sur ces clichés, on ne distingue malheureusement que quelques-unes peintures rupestres qui égayaient l'estaminet. L'agent Bedebois y côtoie une amazone à califourchon sur un canasson tandis qu'un Poil en casquette figure non loin d'un graffiti indiquant qu'un certain Rouche est "plein".

On reconnaît dans le décor, l'agent bruxellois avec son casque blanc.

 



 
 

 
 


Où on apprend que Rouche est bleu.
Et que des amazones chevauchaient à La Jambe.
 
Le cadre idyllique ne doit pas faire perdre de vue que les sorties étaient parfois rock and roll. Le vénérable Poil Xavier Hubaut nous livre son témoignage : "Vers 1953-57 "La Jambe de Bois" était situé à l'impasse de la Barbe, place Fontainas. Le fait d'être situé dans une impasse était assez dangereux. A l'époque, les étudiants étaient souvent agressés par d'autres jeunes qualifiés de "Marolliens". Ces derniers volaient les pennes et ne les rendaient généralement pas, même contre rançon ! Les soirs de Saint V, il y avait des bandes de Marolliens sur la place Fontainas. Ils surveillaient l'entrée ou plutôt la sortie de l'impasse et se précipitaient sur les courageux qui avaient choisis de quitter la Jambe de Bois en trop petit groupe. A part cela, cette cave abritait un piano et un pianiste l'animait en soirée. Parfois on voyait une chanteuse, pratiquement inconnue à l'époque, venir interpréter de très jolies chansons. Par la suite, elle est devenue célèbre sous le pseudonyme de Barbara..."

mercredi 12 août 2015

Guindaille en 1948

Cette photo d'étudiants de Sciences date de 1948. Elle a probablement été prise à la Jambe de Bois, le fameux estaminet des Poils... Au milieu du groupe : la buse d'un autre, de poêle... Autre époque, autre chauffage.

On remarquera la présence importante de femmes sur ce cliché à une époque où les guindailles se déroulaient surtout entre hommes.

(Epoque qui semble si lointaine, où l'on portait le costume-cravate même en vadrouille.)

Cliquez sur l'image pour l'agrandir.
Document transmis par Bram Smetje D.sm.t

jeudi 6 août 2015

La 125e Saint-Vé en ombres chinoises

Cet "Arte Fact", édité pour la 125ème Saint-Verhaegen, vaut surtout pour sa couverture en ombres chinoises.

Ces amusants croquis sont en effet accompagnés de commentaires en latin de cuisine, dans la vieille tradition estudiantine. Et pour les plus cuités d'entre nous, en voici la traduction.

Studentes penetrant in Bruxellas trans Hallensem Portam ne peut se traduire que par Les étudiants pénètrent dans Bruxelles par la Porte de Halle. Notez au passage le changement de parcours.

Namurensis Portam cum flicis rappelle que la fontaine de la porte de Namur voyait chaque année la couleur de son eau changer au gré de l'imagination des étudiants (et des produits chimiques). Le bassin était donc défendu par des policiers, corporation honnie des étudiants. Ce qui vaut un dessin et un mot vengeurs : Miles bruxellensis alias flicus atrox penditus est (autrement dit : Le soldat de Bruxelles, alias le flic atroce, est pendu.)

Mais le Poil en goguette a d'autres adversaires redoutables. A chaque Saint-Vé, Studentes compugnant Vismettibus Morallianibusque, les étudiants combattent les apaches du Vismet (le marché aux Poissons) et des Marolles.

Sans parler des curés. Car, comme chacun le sait, In calotta venenum (qui parodie le très catholique In cauda venenum, "Dans la queue est le venin").

Et c'est pas fini : à la Saint-Verhaegen, les étudiants cherchaient également querelle aux Bourgeois. Ils retournaient des voitures sur le toit et les "garaient" au même endroit. Allez comprendre... Quand ce n'était pas les transports publics qui étaient la cible de leur petit jeu : Tramaportieris sagitta est detracta le rappelle. Tout au long de l'année, la flèche qui reliait le tram au réseau électrique était en effet régulièrement retirée par les Poils au cri de "Jef, de flèche is af !"

Ce qui n'empêche pas l'étudiant de solliciter lesdits Bourgeois Ad opus sitis, qui évoque A l'œuvre de la soif...

Cette intense activité se concluait invariablement par les mêmes scènes : Ad bibendum eunt studentes in Linaeam Gambam Tabernam (car, oui, Les étudiants vont boire à la Taverne de la Jambe de Bois, le fameux estaminet du Centre-Ville). Et puis : Ad thermas... Aux édicules (aujourd'hui disparues).

Ce joli document nous a été transmis par le Poil Smetje.

 
Remarquons que les chars sont alors équipés de tonneaux qu'il faut littéralement pomper.

 
 
 


Les objectifs de l'Association générale de 1907

L'Association générale se présente dans le numéro d'octobre 1907 de la Revue Universitaire.

Document transmis par le Camarade Smetje.




Instantanés de l'Ellipsoïde

Les Camarades de l'Ellipsoïde, fils du Cercle polytechnique et de la bohème chère à Murger (auteur en vogue à l'époque), menaient vadrouilles et mystifications de concert. Dans la Revue Universitaire d'octobre 1907, un de ses membres en livre quelques instantanés. Nous reviendrons sur l'organisation fantasque de ce cénacle.

Document transmis par Smetje.




La Revue Universitaire et ses buts

Fondée en 1907, la Revue Universitaire affichait des objectifs pharaoniques. Et pour les atteindre s'était dotée d'un réseau de correspondants, actifs dans les universités belges et étrangères...

On notera la présence du béret en Une.

Ce superbe document nous a été transmis par le Camarade Smetje.







lundi 1 juin 2015

Le CdS s'affiche au bal

A l'occasion des 125 ans du Cercle des Sciences, le vénérable Poil Martin Pwim Spanoghe a exhumé avec le Camarade Michel Hermand des dizaines documents conservés notamment aux Archives de l'ULB. Parmi ces petits bijoux, il a déniché les affiches de bal du Cercle. Nous n'en présentons qu'une sélection.

Celle de 1920 attire notre attention. Elle annonce la tenue d'un Cramignon liégeois. Ce serpentin ondoyant de danseurs - qui se tiennent par la main - a aujourd'hui disparu de nos activités estudiantines. Nous en avons retrouvé des traces des années 1890 à 1930. Le principe n'est pas sans rappeler celui du monôme pratiqué par les étudiants français et belges : un meneur impulse un rythme et impose un parcours à une ribambelle de joyeux drilles.

L'affiche de bal la plus originale est - à notre estime - celle de 1964. L'expo a également été l'occasion de redécouvrir le sympathique duo d'affiches réalisé en 1968 aux couleurs des Cercles des Sciences et de Pharmacie.







On reconnaît l'ami Prométhée. 1974


  
 
Avec les vleks du CdS sur l'affiche, cette fois en binôme.

Bal de 2008

Bal de 2014.