Les Nébuleux furent fondés en 1887. A cette époque, la plupart des membres provenaient des Facultés de Philosophie et de Droit car l’on y avait plus de temps pour la gaudriole. Mais, à partir de 1907, les étudiants en Médecine et en Pharmacie y étaient majoritaires.
Cependant toutes les Facultés étaient représentées par un délégué, bien souvent le membre le plus charismatique de la plus importante des sociétés. Une telle organisation donnait aux Nébuleux une influence quasi primordiale dans la vie universitaire. (Charles Sillevaerts, In illo tempore, 1963)
Tu es l'Elu...
Dans ses mémoires, publiées en 1963 sous le titre In illo tempore, Charles Sillevaerts explique que l'on pouvait postuler chez les Nébuleux. Les candidatures étaient toujours assez nombreuses. Mais la Règle prévoyait que si les sièges vacants ne pouvaient être occupés par des candidats présentant toutes les garanties souhaitées, on pouvait parfaitement pressentir l’un ou l’autre étudiant non candidat dont la présence était jugée souhaitable et utile, tous les autres motifs étant écartés.
Seuls les Nébuleux pouvaient assister à la première partie de la séance, qui concernait exclusivement les membres et se déroulait selon les rites prescrits par la Règle. Mais les candidats étaient les bienvenus à la seconde partie de la séance, purement récréative.
Les candidats étaient d'abord soumis à l'examen consciencieux de la « Chambre négative » présidée par le « Gardien des lois, règles, us et coutumes ». Cette Chambre s’assurait que le candidat n’avait rien à son actif qui s’opposât à son entrée chez les Nébuleux. Si le vote secret lui était favorable – et l’unanimité était une condition sine qua non –, un avoué désigné par le sort présentait son dossier à la « Chambre affirmative ». (Charles Sillevaerts, op.cit.)
Cette deuxième Chambre, présidée par l’Honorable (le Vice-Président), était chargée de s’assurer que le candidat possédât bien toutes les qualités le rendant « dignes entrare ». Les conclusions étaient rédigées par un second avoué qui se joignait à son collègue pour présenter le rapport final devant les Nébuleux réunis en assemblée plénière. Cette séance n'était qu'une simple formalité, mais la Règle le voulait ainsi. (Charles Sillevaerts, op.cit.)
Le futur Nébuleux savait dès ce moment qu'il possédait douze amis fidèles sur lesquels il pouvait compter.
Un toubib et des cours
Le candidat était alors invité à se présenter à un examen médical devant un médecin issu des Nébuleux. Cet examen prévoyait notamment l’élimination des possibilités de tuberculose pulmonaire et de syphilis, car les membres du club buvaient tous à la même coupe. (Charles Sillevaerts, op.cit.)
Les formalités de la visite médicale passées, le candidat était autorisé à suivre le cours des novices qui se donnait, une fois par semaine, du 15 novembre au 15 décembre et qui était presque exclusivement consacré à l’étude de la Règle. Ce cours était donné par le « Gardien de la Règle, des lois, rites us et coutumes » et était accompagné d’une série de quatre Conférences dont le sujet était laissé au choix du « prêcheur » (pour peu qu’un Frère soit susceptible de les faire). Les Conférence consacrées en 1910 à l’étude de la « Crassologie » de l’apparition de la vie à nos jours semble avoir été l'une des plus remarquables séries. (Charles Sillevaerts, op.cit.)
La plupart des Nébuleux assistaient aux cours et aux Cycles des Conférences qui se donnaient dans le seconde salle, généralement inutilisée. Des rangées de chaises étaient installées devant une tribune du haut de laquelle parlaient les Maîtres. La première rangée de sièges était réservée aux candidats, qui disposaient d’une table étroite pour prendre des notes. Au second rang se trouvaient le fauteuil du Vénérable et le tabouret du Frère Taillable et Corvéable presqu’à merci (le dernier intronisé). Au troisième rang siégeaient les membres de la Chambre positive et, au quatrième rang, ceux de la Chambre négative. En cas d’absence du Vénérable, on attachait une de ses pantoufles au-dessus de son fauteuil pendant les cours ; on l’enlevait pendant la Conférence. (Les manifestations extérieures de respect étaient suspendues pour les initiés pendant toute la durée des Cours et des Conférences. Par contre, les candidats étaient obligés de se lever précipitamment, de se retourner et de s’incliner profondément devant le Vénérable, ou devant sa pantoufle, quand il était fait mention de son nom. A l’énoncé du titre des autres fonctions nébuleuses, les candidats se bornaient à lever la main droite.) (Ch. Sillevaerts, op.cit.)
Au cours des séances secrètes, le Gardien de la Règle admonestait les délinquants en leur touchant l’épaule à l’aide d’une grande canne à pêche. Mais lorsqu'il occupait la tribune, il remettait ses pouvoirs et sa canne au Frère Taillable et Corvéable presqu’à merci. Ce dernier était alors chargé, à titre exceptionnel, de tenir le registre des dons involontaires. Ces amendes étaient minimes mais leur fréquence et leur nombre finissaient par constituer une somme appréciable. Somme qui était intégralement versée au « Fonds des victimes de la sécheresse », destiné au remplissage de la coupe. (Charles Sillevaerts, op.cit.)
L’examen, qui avait lieu à la fin des cours, comportait trois épreuves écrites. La première épreuve, relative aux matières enseignées, devait être représentée jusqu’au moment où le candidat avait obtenu au moins 10 sur 20.
La seconde épreuve comportait la résolution de deux problèmes d’arithmétique « puérile et honnête ». Elle était passée devant l’Ingénieur, chef du service du matériel roulant et de la tractation, juge unique. Celle-ci était particulièrement redoutée et donnait droit à un diplôme spécial :
La plus grande distinction avec baise du Président : 20
La plus grande distinction : de 18,1 à 19,9
La grande distinction : de 15 à 18
La distinction : de 12,1 à 14,9
La satisfaction : de 10,1 à 12
L’incapacité simple : de 7,1 à 10
L’incapacité bien établie : de 5,1 à 7
La nullité simple : de 3,1 à 5
La nullité pitoyable : de 0,1 à 3
La nullité inconcevable avec consternation du Jury : 0
La troisième épreuve consistait en une thèse sur un sujet donné. Elle devait comporter au moins 80 lignes et pouvait être rédigée dans une des trois langues nationales ou en latin. La défense de la thèse se faisait en séance publique et était jugée par le Vénérable assisté des présidents des deux Chambres. Tous les Nébuleux et les candidats assistaient aux examens. (Charles Sillevaerts, op.cit.)
Deux nuits sous les étoiles et un tonneau
Ensuite, l’impétrant subissait les épreuves de l’initiation. L’une d’elles consistait semble-t-il à passer 48 heures en habit de cérémonie, sans être autorisé à rentrer chez lui, son domicile étant surveillé, si l'on en croit Raymond Jaquot un ancien Nébuleux. (Raymond Jacquot, « Pour avoir évoqué les « Nébuleux », Bulletin de l’Union des Anciens Etudiants, mars 1963). Cette épreuve n'est pas mentionnée par Charles Sillevaerts mais l'idée de passer deux nuits sous les étoiles se marie assez bien avec le nom des Nébuleux, qui évoque les nuages et les astres.
Il fallait enfin également payer un tonneau de bienvenue ou verser la somme de 7 francs (soit le quart d’un salaire moyen de l’époque). (L’Agenda, « Les sectes à l’ULB »)
Ces étapes rituelles ont dû subir de nombreuses adaptations et accélérations spatio-temporelles. Ainsi, en novembre 1908, alors que la séance était peu nombreuse, le Vénérable (le Président) « présente un nouveau membre qui est admis sur-le-champ, les renseignements pris sur son compte étant de nature à satisfaire les plus pudibonds. L’initiation suit et le nouveau nébuleux passe ses épreuves avec distinction. Puis certains chics types, futurs membres honoraires, font leur entrée au milieu des applaudissements enthousiastes de l’honorable assemblée. Tournées, retournées de champagne Pommery.» (L’Echo des Etudiants, 19 novembre 1908)
Les membres honoraires étaient probablement reçus moyennant le payement de 50 francs, si l’on en croit le résumé de la séance présenté dans L’Echo des Etudiants du 14 novembre 1910.
Ton p’tit nom d’ baptême ?
Comme les sociétés étudiantes « germaniques », les Ordres de l’ULB attribuent un surnom à leurs membres. Dans les sociétés de type germanique, le surnom est accordé lors du passage du grade de Fux (c'est-à-dire celui de Bleu) à celui de Bursch (c'est-à-dire celui de Poil). Dans les sociétés de l’ULB, le surnom est généralement attribué dès l’intronisation.
Le jour de son intronisation, le nouveau Nébuleux recevait donc un surnom. Ce nom folklorique se référait à ce que les Nébuleux savaient de leur futur Frère ou à un événement particulièrement frappant. Ainsi, l’un d'entre eux qui était tombé dans la fosse à purin de la ferme paternelle, un soir de rentrée tardive et plutôt mouvementée, avait été baptisé « Le Père nourricier de l'Agriculture ». Un interne en chirurgie dont le front était déjà fort dégarni et dont l’une des fonctions était de préparer les patientes avant l'intervention avait quant à lui reçu pour sobriquet « Le Calvitieux Figaro gynécologue ». (Charles Sillevaerts, op.cit.)
Citons encore Le Bruant Ténébreux, surnom de Jules Malbrun qui céda une partie de ses archives (Raymond Jacquot, « Devant un drapeau », in Bulletin de l’Union des Anciens Etudiants de l’ULB, février 1963) . Ou encore les anonymes Poisson franciscain (Echo des Etudiants, 19 novembre 1909) et l’ Erectueux Lovelace (Echo des Etudiants, 14 novembre 1910).
Le surnom du Nébuleux disparaissait avec lui. (Charles Sillevaerts, op.cit.)
Le Purgatoire
Lorsqu’ils avaient obtenu leur diplôme final, les Nébuleux passaient automatiquement à l’honorariat et étaient invités, chaque fois qu’ils en avaient l’occasion, à « honorer les réunions de leur présence ». La Règle prévoyait que ceux d’entre eux qui avaient une certaine éducation, ce qui ne se démentit jamais, offrissent un tonneau de bière à cette occasion. (Charles Sillevaerts, op.cit.)