vendredi 27 septembre 2013

Treize à table, chez les Nébuleux

Charles Sillevaerts explique dans In illo tempore... (1963) que le Cercle des Nébuleux - fondé en 1886 - ne pouvait compter que treize membres. Et que c’est sur ce nombre que reposait l’organisation du groupe.

Un Président et un Vice-président avaient la charge morale du cercle, épaulés en cela par un «Gardien des lois, règles, us et coutumes». Un «Secrétaire», un «Ministre des Finances» et un «Grand Echanson» veillaient en séance aux affaires courantes.

Un «Pipelet du Temple», un «Porte-étendard», un «Bibliothécaire» et un «Directeur du Conservatoire» se répartissaient les autres tâches avec un «Correspondant de la Planète Mars», un «Ingénieur, chef du service de la Traction et du Matériel roulant» ainsi qu’avec un «Frère Taillable et Corvéable presqu’à merci».

Le «Pipelet» devait son nom à un concierge des Mystères de Paris, roman d'Eugène Sue (1843). En dehors de ce rôle de portier (qui soulignait le caractère intime des Nébuleux), on retrouvait la plupart de ces fonctions dans les Cercles actifs à la même époque.

Des titres

A chacune de ces fonctions correspondaient les titres humoristiques de «Vénérable», d’«Honorable», d’«Emmerdeur», suivis par ceux tout aussi enviables de «Consciencieux», d’«Intègre» et d’«Equilibriste».

Des titres eux-mêmes talonnés par ceux non moins ronflants d’«Incorruptible», de «Candide», de «Sinécuriste», de «Suave», et enfin par le trio final des «Fol», «Scrupuleux» et «Infiniment Petit».

Au cours de la partie secrète des séances du Cercle, il était obligatoire, sous peine d'amende, de désigner les Frères par leur «grade» et leur surnom Nébuleux.

Extrait de Ch. Sillevaerts, In illo tempore..., 1963

Variables

Malgré ce qu'avance Charles Sillevaerts, il semble que le nombre de membres ainsi que leurs fonctions et leurs titres aient variés au fil des ans.

En 1907, l'Amanach des étudiants libéraux de Gand indique par exemple que le Comité des Nébuleux (alors au nombre de six) est composé d'un Vénérable président, d'un Honorable vice-président, d'un Grand Maître des Cérémonies, d'un Archiviste, sinécuriste bibliothécaire, d'un Inspecteur des courants d'air et d'un Homme de peine.

Un an plus tard, L’Echo des Etudiants du 12 novembre 1908 parle, lui, d’un «Secrétaire de la Section d’Epargne», qui fusionne probablement les tâches de secrétaire et de trésorier.

Enfin, notons que le « Grand Echanson » a d’abord exercé sa fonction sous le terme de « Pompier ». Cette dernière appellation fut abandonnée car elle était jugée trop commune. On la retrouve en effet chez les Liégeois du Cercle de Bohème (dont les Nébuleux ont repris plusieurs statuts) ainsi que chez les Bruxellois du Cercle des Suaves en 1907 (Echo des Etudiants, 7 février 1907).

Chiffre et lettres de noblesse

Treize membres, c’est relativement peu pour un Cercle estudiantin. Mais c'est aussi beaucoup. Car dans un tel club, on côtoie forcément des personnalités différentes, tout en entretenant des liens fraternels solides et riches avec chaque Camarade.

Les Nébuleux déclareront d'ailleurs en 1890, dans le Journal des Etudiants, que « La prospérité du Cercle, toujours croissante, doit être attribuée au nombre restreint des membres qui, pour être admis, doivent compter au moins deux ans d’Université (ceci dans le but d’éloigner du Cercle l’élément gosse toujours envahissant) et obtenir l’unanimité des voix. » (Journal des Etudiants, 16 mai 1890)

Ceci dit, c'est probablement par anticléricalisme que les Nébuleux portèrent leur choix sur le chiffre 13. Et c'est sans doute la même raison qui poussa les Corbeaux (un cercle d’étudiants libéraux d’Anvers fondé en 1909) et les Macchabées (fondés en 1918) à adopter ce même nombre.