dimanche 28 octobre 2012

De sept heures du soir à minuit

Il semble que, de leur naissance en décembre 1852 à 1856 (trois ans avant leur extinction), les Crocodiles aient voué un culte particulier au chiffre 7. Le premier numéro de leur journal est publié la "septième olympiade" (comprenez "la septième semaine") de leur existence.

Le 7 figure à plusieurs reprises dans l'Almanach crocodilien, publié en 1856. Il y est ainsi expliqué qu'au mois de novembre (lors de la rentrée académique de l'époque), les anciens étudiants apprennent à boire aux nouveaux. A la fin du mois, ces derniers sont "dignes de participer aux séances de guindailles, séances solennelles qui durent de sept heures du soir à minuit, - ou plus." Il ne faut sans doute pas voir ici qu'un clin d'oeil aux travaux des loges maçonniques qui, symboliquement, débutent à midi et se clôturent à minuit. Car, à la différence des francs-maçons qui "travaillent" douze heures sans boire, un étudiant est capable de boire cinq heures sans travailler...

La préface du même Almanach raconte la vadrouille en montagne de sept Crocodiles qui dure sept jours. Après sept heures de marche, leur chemin bifurque. Sept minutes plus tard, ils rencontrent un canard qui les conduit à la hutte d'un sage. Là, un second canard les accueille et, sept secondes après, leur ouvre la porte...

Origine du chiffre crocodilien

D'où vient l'usage de ce chiffre ? Il n'y a aucune certitude.

Les Adelphes, fondés en 1847 à l'ULB, avaient fixé à 25 le nombre d'Actifs. Or s'il est possible (mais pas certain) que les Crocodiles - à l'imitation de leurs prédécesseurs - aient fixé un nombre maximum de membres et n'aient été que sept par année, ils font un usage symbolique de leur chiffre fétiche, ce qui n'était pas le cas des Adelphes, si l'on se fie à l'unique source dont nous disposons à leur sujet.

Que ce soit par des jeux de mots, des dessins ou des photos, les Sociétés germaniques d'étudiants célèbrent, elles, le paragraphe 11. Cet article du Biercomment, leur code et leur rituel, stipule : "Es wird immer fortgesoffen". Ce que la Société d'étudiants de Zofingue a traduit dans son Comment par "Remplis ton verre vide, vide ton verre plein. Ne laisse ton verre ni vide ni plein." En gros, on ne boit jamais assez.

Bien que les Crocodiles aient probablement possédé un Comment, ils n'ont sans doute pas été influencés par l'esprit de ce §11. En effet, le premier Biercomment apparaît à Tübingen en 1815 et ne comporte que 6 paragraphes. Le paragraphe 11 ne fait son apparition qu'en 1853, dans le Neuen jenaischen Biercomment, soit peu après la fondation des Crocodiles.

Par ailleurs, c'est le cinquième et non pas le septième des Dix commandements des Crocodiles qui fait référence à la consommation de bière :
5. Pour le faro professeras 
de l’estime profondément

Exit donc, a priori, la piste des Sociétés étudiantes et l'influence du §11. Il reste, à notre sens, deux autres explications possibles. Comme les Crocos n'ignoraient pas ce que la naissance de leur université devait à la Franc-Maçonnerie, le sept peut également avoir renvoyé au nombre de Maîtres qui doivent être présents pour qu'une loge maçonnique puisse ouvrir ses travaux.

Enfin, très prosaïquement, il est possible que les Crocodiles aient lancé leur journal par hasard sept semaines après leur fondation et qu'ils aient fait du sept un running gag.

Dans les cercles contemporains

Aujourd'hui, l'utilisation d'un chiffre ou d'un nombre particulier est devenue l'une des marques disctinctives des sociétés intimes d'étudiants de l'ULB. Qu'on pense, par exemple, au 9 des Coquillards, au 13 des Macchabées, au 15 du Phallus ou au 69 des Chauves-Souris.

L'origine de ce nombre (ou de ce chiffre) varie d'une Société ulbiste à l'autre. Pour les unes, il correspond au nombre de membres actifs ; pour d'autres, au plus important de leurs paragraphes ; pour d'autres encore, à leurs grades initiatiques (qui parodient souvent les 33 degrés maçonniques).

Bien évidemment, le nombre peut aussi faire écho au nom du cercle intime ou à son thème fondateur. Ainsi, quoi de plus normal pour des Chauves-Souris, ces "petites bêtes qui ont les pieds à leur tête", d'adopter le 69 ?