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mercredi 3 avril 2013

Les punchistes de l'A.G.

Les Punchistes de l'Association générale... C'est sous ce nom plus clair que de l'eau-de-vie que, de 1904 à 1910, des étudiants bruxellois semblent s'être voués corps et âme (ou presque) à l'élaboration du punch de la Saint-Verhaegen.

L'Almanach de l'Université de Gand les présente comme un groupe puis comme un Cercle. Ils comptaient en tout cas différents postes, dont les titres fantasques rappelaient d'ailleurs les étapes de la préparation d'un punch digne de ce nom.

On notera au passage que le poste de président - appelé avec un humour anticlérical "Punchifex Maximus" - n'est mentionné que la deuxième année d'existence du groupe.

Hasard ? Les Punchistes de l'A.G. s'éclipsent au moment où les Sauriens sont probablement fondés. Les seconds sont-ils la prolongation des premiers sous un autre nom ou n'ont-ils fait que prendre le relais dans la préparation du punch de Saint-Vé ? La réponse se trouve - peut-être - dans l'un ou l'autre document conservé aux les Archives de l'ULB...

En 1904

Dans les pages qu'il consacre à Bruxelles, l'Almanach de l'Université de Gand de 1904 présente en quelque mots le "Groupe des punchistes de l'A.G." : "Créé tout récemment, il a déjà donné des preuves de son indéniable talent, au Bal de la St Verhaegen, en distillant un breuvage semblable à ceux que dégustaient les dieux de l'Olympe.

Les principaux fonctionnaires sont : l'invulnérable distillateur, le tropical calorifère, le farouche compresseur, le savant ponctionneur, le majestueux chaudronnier, le porte-louche paradoxal, l'imperturbable échanson."

Bien que nous n'en ayons aucune certitude, il ne nous paraît pas impossible que les différents titres portés par les Punchistes fassent à la fois référence à la la préparation d'un punch et aux postes traditionnels des Cercles étudiants.

Le "Porte-louche Paradoxal" peut bien entendu être simplement chargé d'apporter les ustensiles de cuisine ; mais son titre rappelle beaucoup celui du "porte-drapeau" présent dans de nombreux Cercles à l'époque... De la même manière, si le "Savant Ponctionneur" est peut-être seulement chargé de goûter le punch, son titre nous fait également penser au rôle de "trésorier"... Et ainsi de suite...

En 1905

L'Almanach gantois de 1905, non sans humour, nous en apprend un peu plus sur la fondation du groupe le 20 novembre 1904 au Bois de la Cambre et sur les surnoms de ses membres : "Le Groupe des punchistes de l'A.G. a acquis une célébrité universelle ; fondé des succursales dans toutes les villes universitaires belges, européenne et du nouveau continent.
Cette corporation secrète, affiliée à la fédération interplanétaire des distillateurs clandestins, reconnue d'utilité publique le 20 novembre an 2 (ab U.L. condita), s'est assemblée le 20 novembre an 70 a.u.c. devant la Cloche du bois de la Cambre, pour permettre au Punchifex Maximus de décerner à ses collaborateurs et esclaves leurs titres, attributions et fonctions ; d'où est résultée la composition suivante :

Punchifex Maximus : John BuII D. Saleur
Porte-louche paradoxal : L'Apache
Majestueux chaudronnier : le Borain aux Vergetures
Farouche compresseur : Charles VIII et Roy
Savant ponctionneur : Harmonica
Tropical calorifère : le Pigeon Voyageur
Invulnérable distillateur : Lyrique
Imperturbable échanson : Charles
Le petit sucrier : le Vampire"


Carte non postée. Vers 1905.
La cloche devant laquelle les Punchistes ont été fondés.
En 1906

L'Almanach gantois de 1906 laisse penser que les Punchistes de l'A.G. volaient divers objets lors de leurs vadrouilles et qu'ils disposaient d'un Code, probablement folklorique puisqu'on nous dit qu'il s'agit d'un "chef d'oeuvre agrach" (l'agrach étant un charabia invraisemblable) : "Punchistes de l’A.G. Grâce à la haute compétence de son personnel scientifique, ce cercle d'alchimistes, (sous la présidence de Mme Mariette Volle-Gaz) est parvenu à faire un punch excellent, avec des semelles de bottes, des peignes à démêler, des boutons de brayette et des couvercles de W.C.

Leurs secrets sont contenus dans les 69 articles du Code Macaroni, véritable chef d’œuvre agrach.

Grands Chefs : MACARONI JUNIOR et GABY."


De 1907 à 1909

L'Almanachs de 1907 et de 1908 ne fait que mentionner les Punchistes parmi les cercles de moindre importance. En 1909, il n'ajoute qu'une parenthèse à destination des gourmands : "Les Punchistes (nous recommandons leur recette à nos lecteurs.)"

En 1910

Et l'Alamanach de 1910 n'évoque plus qu'un "Punchiste de Gand", qui décroche la flèche d'un tram à Anvers à l'occasion d'une activité de Saint-Vé organisée par la Section polytechnique de l'A.G.

Après cette date, les Punchistes disparaissent définitivement dans les brumes de l'alcool.

mercredi 27 mars 2013

Le Saint-Synode Saurien

Dès 1878, Louis Dollo supervise l'extraction de sauriens géants de la mine de charbon de Bernissart : les iguanodons entrent alors dans l'imaginaire collectif. Trente ans plus tard, en 1909, Dollo intègre l'ULB en tant que professeur de paléontologie. 

Or c'est vers 1910 que naît une nouvelle Société : les Sauriens. Le nom de ce cercle et son symbole (un squelette d'iguanodon) ainsi que les surnoms des membres (tels que "Mamosaurus Suculens") sont probablement un clin d'oeil à l'arrivée de Louis Dollo à l'Université.

On ignore quand les Sauriens ont disparu de la surface du globe. S'ils sont encore mentionnés à l'occasion de la Saint-Verhaegen de 1923, on perd leur trace après cette date.

Avant-guerre, les Sauriens cohabitèrent avec les Nébuleux et furent - semble-t-il - aussi bons amants de "La Buse" qu'eux. Dans les Fleurs du Mâle, la belle déclare : "Ah ! les beaux jours de bohème et d’orgie / Quand je couvrais Sauriens et Nébuleux". Le chansonnier de l'ULB n'a d'ailleurs conservé que le souvenir de ces deux Sociétés.

Dans l'immédiat après-guerre, alors que les Nébuleux s'éteignaient, les Sauriens continuèrent de guindailler mais cette fois aux côtés des Macchabées, récemment fondés. (Annuaire 1919-1920 de l’Union des Anciens Etudiants de l’U.L.B.).

C'est donc - probablement - aux Sauriens que l'on doit la transmission (et la préservation) du folklore des Sociétés intimes par-delà la "Grande guerre".

Activités publiques et intimes

Si l'on en croit, Et l'alambic ou La cornue enchantée, revue organisée par le Cercle des Sciences en 1913, les "jeunes Sauriens" étaient experts en punch et en madère. Et c'est encore eux qui servaient un punch bien chaud à l'ensemble des Poils lors de la Saint-Verhaegen 1923.

Les Sauriens organisaient donc des activités publiques, plutôt festives. Mais ils n'en étaient pas moins un cercle intime où l'on entrait par cooptation. Plus exactement, on pouvait déposer sa candidature pour y entrer (selon un fonctionnement proche de celui des Sociétés allemandes et suisses), comme le laisse penser une affichette pour les "Examens d'entrée" au Saint Synode Saurien (S.S.S.).

Elle fut placardée ad valvas (avec le paraphe du secrétaire de l'ULB) vers 1910. Elle n'est pas datée mais porte la signature du même Saurien qu'un carton de banquet de 1912. Les deux documents sont donc contemporains.

Cette affichette indique que les étudiants avaient une journée pour déposer leur candidature à l'Ultra, un café situé rue Cantersteen, à deux pas de la rue des Sols, où se trouvaient les premiers bâtiments de ULB.


Extrait  de l'unique affichette connue des Sauriens.
Ce document provient
du Service Archives, Patrimoine et Collections spéciales de l'ULB.
50 avenue Franklin Roosevelt à 1050 Bruxelles.



Sous le dessin d’un squelette d'iguanodon coiffé d'un chapeau buse (symbole de l'échec à un examen), un texte manuscrit annonce :
"Avis – Bericht au peuple de l’Uhelbé.
Le 15 Nicolose an II s’ouvrira la session pour les Examens d’entrée S.S.S pour la collation du grade d’Infect.
Les demandes doivent
1°) être rédigées sur feuille papier ministre
2°) énoncer les titres et références du postulant
3°) parvenir au F Gd Greffier avant le 15 Niclose à minuit
4°) être adressées au F Gd Greffier Riskosaurus Canotans, à l’Ultra.
5°) être accompagné de 0,50 , droit d’inscription non remboursable.

Droits des Infects
1°) Jouir de la société de Vénérables
2°) assister à des séances sauriennes
3°) porter sur leur casquette l’insigne et le ruban sauriens
4°) suivre un cours (théorique et pratique) de tapage nocturne de bourgeois
5°) avoir en communication les Livres Saints (Bible, Dogme et Jus Saurologicum)
6°) Passer, après un an de stage, l’examen de vénérable.


Le frère Grand Greffier, Riskosaurus Canotans"

Organisation interne des Sauriens 

Il est difficile de connaître le fonctionnement des Sauriens avant la Première Guerre mondiale. On ne dispose en effet que de quelques documents internes, d'ailleurs tous signés par le même Riskosaurus Canotans : des menus de banquet de 1912, une affiche et des cartes de membres d'honneur.

Seul carton connu des Sauriens.
Ce document provient
du Service Archives, Patrimoine et Collections spéciales de l'ULB.
50 avenue Franklin Roosevelt à 1050 Bruxelles.

Néanmoins, l'affiche et les cartes de membres d'honneur permettent de tracer les grandes lignes de la Société. Si les Sauriens ne se qualifient pas d'Ordre, leur fonctionnement et leur mode de cooptation rappellent ceux des Sociétés désignées aujourd'hui par ce terme.

Le "Saint-Synode Saurien" - ainsi que s'appelait le Cercle - était présidé par un Grand Vénérable et sa correspondance était assurée par un Grand Greffier. Les autres postes du comité nous sont encore inconnus.

La "collation" du grade d'Infect était accordée après la réussite de l'examen d'entrée. Après un an de stage, on pouvait présenter l'examen de Vénérable. Les membres se répartissaient donc, en deux degrés, entre nouveaux et anciens. 

Il semble que l'un ou l'autre membre d'honneur ait également été reçu et qu'un parrain ait été chargé d'accueillir le nouveau venu. Nous ne pouvons que supposer qu'un parrainage était également en vigueur pour les membres ordinaires.

On notera que les termes Synode, Grand Greffier et Vénérable sont encore employés par les Macchabées (L.B. dans La Pensée et les Hommes. Sous le masque de la Franc-Maconnerie). Un bel et sympahique exemple de transmission de coutumes poiliques...

Notons enfin que les "séances" réunissant Infects et Vénérables se déroulaient sans doute selon des rites contenus dans des "Livres Saints" : "Bible, Dogme et Jus Saurologicum (autrement dit le Droit Saurien)".

Des surnoms

Les "Frères" - ainsi que les membres étaient désignés - portaient des surnoms.

Parmi les 15 signatures apposées sur un menu de l'agape fraternelle donnée le 20 novembre 1912, figurent 5 surnoms : un "Mamosaurus Suculens", un "Lunukausorus Timidus", un "Riskausorus Cantotans" , un "Quadros Blafurens" et un "Commissauri Cocufactor".

L'histoire ne le dit pas mais il est possible que les 10 autres signataires étaient également Sauriens. 15... Un chiffre raisonnable si on le compare à la grosse douzaine de membres actifs que la plupart des Ordres actuels comptent chaque année.



Ce document provient
du Service Archives, Patrimoine et Collections spéciales de l'ULB.
50 avenue Franklin Roosevelt à 1050 Bruxelles.

A en juger par les signatures griffonées sur le menu, les convives étaient en tout cas bien plus nombreux (une bonne trentaine) lors du banquet du 30 mai 1922 (donné à la Maison des Etudiants, si l'on se fie au latin de cuisine "Specialitatem domus Estudiantina").



Ce document provient
du Service Archives, Patrimoine et Collections spéciales de l'ULB.
50 avenue Franklin Roosevelt à 1050 Bruxelles.


Symboles sauriens

D'après les documents disponibles, les symboles utilisés en public par les Sauriens se comptent sur les doigts d'une main.  


Enveloppe au nom des Sauriens.
Il existe également du papier à entête.
Ce document provient
du Service Archives, Patrimoine et Collections spéciales de l'ULB.
50 avenue Franklin Roosevelt à 1050 Bruxelles.
 Les principaux symboles sont les trois points (d'origine maçonnique) entourés de trois S (signifiant Saint-Synode Saurien) et le squelette de l'iguanodon.

Pour la casquette, il y a l'insigne et le ruban sauriens. Le ruban était peut-être de cette couleur mauve qu'on retrouve tant sur les menus et les cartes de membre d'honneur que sur les enveloppes.

Le squelette d'iguanodon et le mauve évoquent la mort (ou du moins le deuil). La bordure mauve tracée sur l'affiche, rappelant la présentation d'un faire-part de décès, peut appuyer cette idée. Ces symboles nous font en tout cas penser à ceux des Macchabées, qui - après 1918 - cohabitèrent quelques années avec les Sauriens.


Extrait  de l'unique affichette connue des Sauriens.
Ce document provient
du Service Archives, Patrimoine et Collections spéciales de l'ULB.
50 avenue Franklin Roosevelt à 1050 Bruxelles.


Vocabulaire


L'affiche des examens d'entrée nous a livré quelques mots de vocabulaire : Frère, Infect, Vénérable... A travers les mots "15 Niclose an II", elle nous révèle aussi que les Sauriens disposaient d'un calendrier calqué sur le calendrier républicain français de 1792.

Les Sauriens suivaient en cela l'exemple des Crocodiles. Aujourd'hui, les Macchabées (entre autres) poursuivent cette antique tradition (L.B. dans La Pensée et les Hommes. Sous le masque de la Franc-Maconnerie).

Recrutement

Il est - à ce jour - impossible de dire dans quelles facultés les Sauriens cooptaient leurs membres. Mais, le menu du banquet du 23 mars 1920, laisse penser qu'ils avaient des liens privilégiés avec la Médecine.

Au verso du menu, on lit ainsi "Belgique et France médicales toujours !" et l'on trouve la signature du trésorier du Cercle de Médecine et Pharmacie de l'ULB aux côtés de celle d'un "v.président de section médicale int. aux hôpitaux de Paris" et de celle du "secrétaire général de l'A.G. de Paris".

On relèvera au passage la signature de Godfroid ("ex Plouck, futur président de la République belge"), qui était déjà présent au banquet de la Saint-Verhaegen 1912.



Ce document provient
du Service Archives, Patrimoine et Collections spéciales de l'ULB.
50 avenue Franklin Roosevelt à 1050 Bruxelles.

Les recherches sur les Sauriens continuent... Mais il y a peu de chance qu'on trouve plus d'informations sur cette Société, qui a cependant influencé le folklore de l'ULB.

lundi 25 juin 2012

"Le Crocodile", plus vieux journal étudiant belge

Cet article a été publié dans le Bruxelles Universitaire daté du mois de mai 1925, en marge du banquet de la presse estudiantine belge donné le samedi 9 mai.

Organisées par Bruxelles Universitaire et par l'Union nationale des étudiants de Belgique (dont le président d'honneur était alors le Ministre d'Etat Franqui), ces agapes entendaient réunir les administrateurs et les rédacteurs en chef des quatorze journaux étudiants répartis dans les différentes universités belges. Le soir-même, on compta entre autres des représentants du Cercle de Droit, de la Revue de l'Ecole Polytechnique et du Bulletin scientifique.















Ce document provient
du Service Archives, Patrimoine et Collections spéciales de l'ULB.
50 avenue Franklin Roosevelt à 1050 Bruxelles.

jeudi 14 juin 2012

La Société des Adelphes

Au cours de nos recherches en bibliothèque, nous avons exhumé un ouvrage de 1906 : "Vieux Souvenirs". Ces mémoires - écrits par Gustave De Breyne-Du Bois - recèlent une quinzaine de pages, qui sont le seul témoignage connu sur l’un des plus anciens clubs d'étudiants de l’Université de Bruxelles : la Société des Adelphes.

Ce cercle - dont on avait jusqu'aujourd'hui oublié l'existence - est né, en 1847, des cendres de deux sociétés successives. Malgré les espoirs qu'il portait, il n'a vécu qu'une année académique.

Le caractère intime de cette société et la camaraderie qui y régnait rappellent ceux des corporations d'étudiants qui fleurissaient outre-Rhin à la même époque. Mais l'on serait aussi tenté de voir dans les Adelphes les ancêtres des Nébuleux et de tous les cercles fraternels qui leur succéderont.

Aux sources du folklore

De Breyne-Du Bois revient sur la naissance du cercle : "C’était en 1847. En ce temps-là […] existait, brillait, fleurissait à Bruxelles, la Société d’étudiants, appelée "La Société des Adelphes", ou "les Adelphes" […]. Depuis peu, deux sociétés d’étudiants avaient été fondées à la suite l’une de l’autre. Toutes les deux n’avaient eu qu’une existence éphémère. On n’a jamais su pourquoi. Car toutes les deux avaient été basées sur les principes indestructibles de l’union et de l’amitié. Et […] comptaient un nombre extraordinaire de membres. Malgré ce double désastre […], vingt-cinq étudiants, vaillants débris des deux anciens cercles, constituèrent une nouvelle société. Et comme ces vingt-cinq jeunes gens éprouvaient les uns pour les autres des sentiments d’ardente fraternité, ils prirent le nom d’Adelphes, une appellation grecque qui, en bon français, signifie frères. Parfois entre eux, ils se nommaient aussi "les vingt-cinq" parce que d’après un article des statuts, ce nombre de 25 ne pouvait être dépassé. A leur tête se trouvait un comité composé d’un président, d’un secrétaire et d’un trésorier." (Gustave De Breyne-Du Bois, Vieux Souvenirs, 1906) 

Deux points sont à souligner dans cet extrait, parce qu'ils font écho aux pratiques des ordres estudiantins actuels : l’utilisation du terme "frères"  et  l’existence d’un chiffre (le 25) correspondant au nombre de membres (une pratique que l’on retrouvera peu après chez les Nébuleux, par exemple).

Un local à deux pas des anciens bâtiments de l'ULB 

"Le local des Adelphes était situé Montagne de la Cour, en une maison moyenne, de modeste apparence, mais solidement construite. Les étudiants occupaient tout le premier étage. (Le rez-de-chaussée servait de cabaret). Ah ! ne vous figurez pas le moindre luxe. Ce premier étage ne comprenait qu’une assez grande chambre, de forme irrégulièrement oblongue. […] De nombreuses caricatures tapissaient les murailles, d’où émergeaient au milieu, d’un côté une image –c’était un Rubens !– teinte en rouge, et représentant la liberté, de l’autre côté, trois portraits photographiques de professeurs aimés." (Gustave De Breyne-Du Bois, op.cit.)

S'il n'était pas luxueux, la Société n'en disposait pas moins d'un local et y recevait les abonnements à quatre quotidiens et à la "Revue". Tout cela avait un coût. De Breyne-Du Bois écrit pourtant : "La cotisation des membres était minime. Quant au loyer, il ne s’élevait qu’à une somme fort modique. Mais d’un autre côté, le Baas –un vrai Brusseleer !– se réjouissait du nombre considérable de verres de bière (de faro, surtout) que lui payaient les vingt-cinq… sans compter les soirées de gala et de guindailles." (Gustave De Breyne-Du Bois, op.cit.)

Tutoiement et surnoms

On devine qu'on y passait des heures paisibles après les cours, loin des froides conventions sociales d'alors : "Chaque soir, les Adelphes se réunissaient en leur home estudiantin, y restaient fort tard, et naturellement, ne s’y ennuyaient jamais. Dans l’intimité et durant leurs séances, ils s’appelaient de leur prénom ou d’un surnom de fantaisie. Ils se tutoyaient toujours." (Gustave De Breyne-Du Bois, op.cit.) 

Bien que les Adelphes portaient des surnoms tels que "Brûle-Gueule, Sans-Soucis, Socrate", leur emploi semble avoir été facultatif. Il rappelle néanmoins la tradition des sociétés étudiantes germaniques de baptiser chaque membre d'un sobriquet de deux ou trois syllabes (Lisez la brève : "Baptême et Burschification en Suisse").

L'usage de surnoms dans les sociétés de l'ULB se généralisera vraisemblablement à l'époque des Nébuleux, dans les années 1890.

Esprit bohème

De la description sommaire de la vie du cercle et de son comité restreint, on comprend que les Adelphes étaient portés par un esprit bohème bien plus que par la discipline en vigueur dans les corporations étudiantes germaniques actives à la même époque.

"Le président est assis au milieu d’une petite table, placée au fond de la salle. A sa gauche le secrétaire. A sa droite le trésorier. Les vingt-deux autres membres sont étendus sur deux longs bancs latéraux garnis de crin […] qu’ils nommaient plaisamment "notre basane parlementaire", se souvient De Breyne-Du Bois.

"Tous fumaient la pipe, cela va sans dire, chacun avait à côté de lui un verre de faro, cela va sans dire aussi. [...] Ah ! Ces soirées, où débordait une fougue passionnée […]. Et là, au milieu du choc retentissant des verres et d’une atmosphère de fumée de tabac, quels cris de joie et de liberté ! […] que de folles chansons ! Quel bruit !" (Gustave De Breyne-Du Bois, op.cit.)

Les séances de la Société semblent avoir ordinairement été émaillées de cris, de bruits, de tapages, de "refrains de la chanson des étudiants" ainsi que de multiples "une guindaille, une guindaille…" qui annonçaient une chanson. Bref, un joyeux chaos.

Dernière réunion 

Si l'on en croit les notes de la réunion de fin d'année académique (conservées par De Breyne-Du Bois), celle-ci se déroula comme à l'accoutumée.

Le président déclara ainsi "– Adelphes, la séance est ouverte." Puis, il aborda l’ordre du jour (en l’occurrence des problèmes d’argent) et ouvrit ensuite le débat en demandant : "Quelqu’un demande-t-il la parole ?" Le reste de la séance fut ponctué du même tohu-bohu folklorique que d'habitude. 

Lorsque retentit la phrase "– Adelphes, quatre heures sonnent. Il est temps de lever la séance…", les étudiants ne pouvaient pas se douter qu'il venait d'assister à la dernière réunion de leur société. Car c'est pendant leurs vacances que le patron décida de louer le local à d'autres occupants et ce coup dur fut fatal aux Adelphes.

Héritage

Si l'on en croit Louis Salomon Hymans, Jean-Baptiste Rousseau, les auteurs du "Diable à Bruxelles", paru en 1853, la Société des Crocodiles est "composée en partie des débris de celle du Pot d'Or", autrement dit de la Société des Adelphes qui se réunissaient à cette enseigne, Montagne de la Cour. Les Crocodiles semblent d'ailleurs avoir repris la tradition des Adelphes d'être "une société de plaisir tirée à vingt-cinq membres". ("Le Diable à Bruxelles", volume 4, p.93.)

Un nom international

Si la société des étudiants bruxellois est morte, son nom - d'origine grecque (on l'a dit) - vit bel et bien.

Il n'est pas surprenant de recontrer des sociétés "Adelphia" en Allemagne et en Suisse car les étudiants de ces pays donnent eux aussi souvent des noms à connotation gréco-latines à leurs sociétés.

La Société Adelphia de Genève a été fondée en 1878. Et - renseignements pris- elle n'a manifestement aucun lien avec son homonyme de Bruxelles. Quant à ses membres, ils s'appellent non pas des Adelphes mais des Adelphiens... Voyez le site : adelphia.ch

jeudi 24 mai 2012

Comment de la Société de Zofingue

Dans la brève "Aux origines des sociétés d'étudiants" , nous avons signalé que les Landsmannschaften, apparues au 16ème siècle, furent les premières sociétés d'étudiants à codifier leurs coutumes par un Comment. Cet ensemble de rites est aussi parfois appelé Biercomment.

Il en existe des longs et des brefs, des sévères et des drôles. Qu'ils soient épurés ou d'une complexité burlesque, l'humour au second degré n'est jamais loin.

Les premiers Comment ont été rédigés en allemand. Mais certaines sociétés d'étudiants suisses les ont adaptés en français. 

Nous avons choisi de présenter le Comment édité en 1902 par la section genevoise de la Société de Zofingue (et non pas les versions plus récentes) afin de souligner l'ancienneté de rites étudiants que nous avons adoptés et adaptés dans les universités belges. (Lisez les brèves : "La tenue d'une Kneipe, d'un Cantus", "Silentium ex ! Colloquium !" et "Ad diagonalem ! Ad fundum !").

Les commentaires (assez brefs) des articles du Comment ont été placés en tête des pages reproduites ci-dessous.



Les séances sont rythmées par deux actes. Lors du premier acte, les membres discutent des questions administratives et présentent leurs différents sujets de discussion. Lors du second acte, l'assemblée passe aux réjouissances et aux jeux de bière.

Le terme "philistins" désigne en général les personnes qui n'appartiennent pas à une société d'étudiants. Mais certaines sociétés attribuent ce vocable à leurs anciens membres.

Lors d'une Kneipe, le temps est compté en "bierminuten". Et comme le temps passe plus vite le verre à la main, 5 bierminuten valent 3 minutes philistines.


La "fleur" est première gorgée d'une bière. A l'inverse, le "reste" est la dernière gorgée.

La Corona est composée de l'ensemble des membres attablés.

Les lettres "F.M." désignent le Fuchs-Major, chargé de la formation folklorique des nouveaux membres (appelés Füchse, c'est-à-dire "renards"). Les membres admis sont appelés Burschen (c'est-à-dire "gars").


Le §11 est le plus sacré des paragraphes. Dans de nombreux Comment, il reprend l'adage "Es wird immer fortgesoffen". Dans cette édition, la consigne a été francisée. Mais l'idée reste la même : on boit toujours trop.



Le "Burschenconvent", appelé "Gerousia" dans cette édition, est l'assemblée des Burschen. Et le "Fuchseconvent" est l'assemblée des nouveaux (les Füchse). Chaque Fuchs est parrainé par un Leibbursch.


Un "Ehrenfuchs" et un "Ehrenbursch" sont un fuchs d'honneur et un bursch d'honneur, ce qu'on pourrait traduire par filleul d'honneur et parrain d'honneur.


Un "Quantum" désigne une quantité et un "Ganz" un verre entier...

Contrairement à ce qu'indique son nom, le "Contre-président" (appelé parfois Contra) a pour tâche de seconder le président (le Senior).

Recommander un membre au Fuchs-Major ou au président revient à demander la parole ou une certaine quantité de bière pour lui. 


Une coquille s'est glissée dans le Comment : lisez "pro laude" (à la place de "pro lande"), pour le verre de récompense que boit un membre.


On verra dans le "bierjung" une parodie des duels à la rapière. Dans ce rite bibitif, les verres sont d'ailleurs appelés "armes" et l'on dit qu'un membre "a saigné" lorsqu'il a renversé de la bière en buvant.



Boire "in die Welt", c'est boire "dans le monde" suivant l'idée que la Corona est une petite société.

"Ueber's Kreuz trinken" est un rite bibitif pour "boire de façon croisée" ou plus exactement pour renvoyer l'hommage à celui qui invite à boire.


Au cours de la cérémonie d'intronisation, on verse de la bière sur la tête du néophyte.



mardi 24 janvier 2012

Baptême et Burschification en Suisse

Un étudiant qui entre dans une Société estudiantine suisse ou allemande est d'abord Fuchs (renard, en allemand). Durant un ou deux semestres, il apprend les rites, les chants et l'histoire de la Société auprès du Fuchs-Major (F.-M., en abrégé) ; il est par ailleurs chargé du service de la bière pendant les séances avec les autres membres du Fuchsenstall (l'assemblée des Fuchsen).

Durant cette période d'apprentissage, il reçoit un vulgo, c'est-à-dire un surnom, au cours du baptème. Et à la fin de sa période de Fuchs, il peut être reçu Bursch (garçon, en allemand) si l'assemblée des Burschen (appelée Burschent-Convent) l'en juge digne. Pour cela, il sera entre autre interrogé sur le Comment (qui comporte les principaux rites de la Société) et sur le Biercomment (qui concerne les rites liés à la boisson).

Les principales règles du Comment sont celles que nous pratiquons en Kneipen et Cantus dans les universités belges. Lisez : (Tenue d'une Kneipe, d'un Cantus) , (Silentium ex ! Colloquium !) et (Réception dans une société d'étudiants)


Le Baptême, selon le Comment de l'Helvetia vaudoise, édité en 1988 :

Art. 130. - Un Fux doit être baptisé d'un vulgo.

Art. 131. - Le baptême a lieu pendant le temps de Fux. Le candidat au baptême choisit à cet effet une commission de 3 Burschen. Chaque vulgo proposé est suivi au moins d'un Ganz bu par le candidat.

Le Fux est tenu d'accepter un des vulgo proposés.

En cas d'incapacité manifeste du candidat à poursuivre le baptême, la Commission peut l'interrompre.

Pendant qu'elle rapporte, la Commission est omnipotente.

Art. 132. - Le baptême ne peut se casser. Une fois baptisé, le vulgo suivra l'Helvétien toute sa vie.

Art. 133. - Une fois que le candidat a choisi son vulgo, le F.-M. procède au baptême. Il récite la formule d'usage : "In nomine Gambrini, Bacchi Venerisque tibi nomen do ... (surnom) ... ; es, sis et eris in Helvetia nostra ... (surnom) ... in aeternum, amen" et baptise en versant une chope sur la tête du néophyte.


La Burschification, telle qu'elle est pratiquée à l'Helvetia vaudoise :

Art. 14. - C'est sur proposition du F.-M. ou de deux Burschen que le B.-C. (Burschen-Convent) statue sur l'admission d'un Fux à l'examen de Burschification.

Art. 15. - L'examen de Burschification comporte trois parties :
a) L'histoire de l'Helvétia ;
b) Chants helvétiens et académiques suivants:1, 2, 4, 6, 7, 9, 12, 15, 17, 18, 34, 35, 48, 55;
c) Statuts centraux, Règlement, Comment et Biercomment. Cet examen a lieu devant la Commission de Burschification.

Art. 16. - La Commission de Burschification est nommée par le Comité.

Art. 17. - Seuls les membres de la Commission procèdent à l'interrogation. Ils prennent leur décision à la majorité simple.

Art. 18. - La Commission de Burschification donne son préavis au B.-C. à qui revient la décision finale. Le B.-C. vote à main levée.

Art. 19. - Pour être burschifié, le Fux doit avoir rédigé son travail de Burschification et être en ordre avec la caisse des Füxe et celle de la section.

Art. 20. - En cas d'échec à l'examen de Burschification, le Fux est réintégré dans le Fuxenstall, mais perd tous les avantages financiers dont il jouissait auparavant.