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Extrait
du Journal des Etudiants, 22 octobre 1874, 1ère
année, n°1.
Document
provenant du Musée International de la Presse (conservée au
Mundaneum à Mons).
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Un petit entrefilet en première page du journal libéral L'Indépendance Belge du 15 novembre 1871 nous informe que son nouveau local se trouvait alors au 18 de la rue des Bouchers, soit à moins de 700 mètre à vol d'oiseau de la rue des Sols, siège de l'Université. Selon l'Almanach de la ville de Bruxelles de l'époque y étaient située la friture d'un certain M. Frund ! Nous verrons plus loin qu'en 1875, le local s'était quelque peu déplacé, quoique toujours dans le même périmètre, rue St Jean. Quelque année plus tard, il avait encore déménagé, cette fois à "La croix de fer" au 14 de la Grand’Place (soit la maison de l'Ermitage qui fait partie de l'ensemble de la maison des Ducs de Brabant). (L'Indépendance Belge, 15 avril 1877, Ed.1 p.1)
L'édition du Journal des Étudiants du 5 novembre 1874 (n°3)* nous apprend l'élection en tant qu'administrateurs de MM. Lepoivre, Delecourt (que nous retrouverons plus loin) et du baron de Waudrez alors que la vice-présidence échut à un certain M. Dechamps. En 1877, le président de la Société Générale des étudiants était Léon Lepage. (L’Étudiant libéral, 8 octobre 1877, année 1, n°1*) Avocat et homme politique libéral, Lepage (1856-1909) fut notamment échevin de l'enseignement à Bruxelles (1895-1909), député à la chambre des représentants (1892-1894 et 1900-1909) et administrateur de l'ULB (1894-1909). En 1879, le président était un certain Ch. Machintosh.
Ce dernier résumait dans L’Étudiant Libéral du 13 octobre 1879 (année 3, n°1)* le but de l’association comme la nécessité pour les étudiants de tous se réunir sans distinction dans une Société Générale afin d’aborder plus efficacement les "questions d’intérêts généraux". Il regrette, en effet, la multiplication "de petits cercles, de clubs vivant presque aux dépends les uns des autres" à laquelle on assiste alors. Il faut affirmer le "caractère essentiellement libéral" de l’université et repousser "le fanatisme clérical". Notons que les autres sociétés dont nous avons trouvé une trace à la même époque sont la "Société des Étudiants Wallons", la "Société des Étudiants Flamands" et le "Cercle des Conférences".
A l'aune de ses propos, il n'est pas étonnant de constater que la Société Générale se trouva rapidement mêlée aux querelles clérico-libérales vivaces lors du XIXe siècle. Ainsi, en 1872, elle répondit aux attaques du "Cercle académique de l'institut Saint-Louis" sur la valeur intellectuelle des étudiants de l'ULB en mettant en avant ses "nombreux travaux" :
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Extrait
de L'Indépendance
Belge,
13 décembre 1872 Ed.1 p.1.
Tous droits réservés. Belgicapress. Bibliothèque royale de Belgique. |
La
lecture de cet article nous présente la Société comme un "cercle
littéraire et scientifique".
Et effectivement, des premières années, nous savons qu'elle
organisa surtout des conférences : "Herculanum
et Pompéi"
par le Pr Xavier Olin (Le
Journal des Étudiants,
5 novembre 1874, n°3*), "La
bienfaisance publique"
par le Dr Charbonnier (Le
Journal des Étudiants,
2 décembre 1875,n°8*), "Le téléphone" par l'élève
ingénieur Raeymaecker (L’Étudiant
Libéral,
7 janvier 1878, n° 13*).
Les disputes avec les cléricaux connurent bien d'autres avatars. Ainsi en 1875, on accusa des étudiants "portant la casquette galonnée" d'avoir volé, le dimanche 23 mai, une statuette de la vierge au fronton d'une église dans ce qui était alors le village Woluwe-Saint-Lambert avant de revenir à Bruxelles, place St Jean pour y perturber violemment la procession annuelle de Notre-dame-de-la-Chapelle. L'acte est condamné unanimement par l'ensemble de la presse, cléricale comme libérale, comme une atteinte à la liberté de culte. Le journal catholique Le Bien Public accusa la Société Générale d'avoir fomenté ce coup la veille dans son local, "la taverne Germania, rue St-Jean" avec l'aide d'étudiants de Gand et Liège :
Les disputes avec les cléricaux connurent bien d'autres avatars. Ainsi en 1875, on accusa des étudiants "portant la casquette galonnée" d'avoir volé, le dimanche 23 mai, une statuette de la vierge au fronton d'une église dans ce qui était alors le village Woluwe-Saint-Lambert avant de revenir à Bruxelles, place St Jean pour y perturber violemment la procession annuelle de Notre-dame-de-la-Chapelle. L'acte est condamné unanimement par l'ensemble de la presse, cléricale comme libérale, comme une atteinte à la liberté de culte. Le journal catholique Le Bien Public accusa la Société Générale d'avoir fomenté ce coup la veille dans son local, "la taverne Germania, rue St-Jean" avec l'aide d'étudiants de Gand et Liège :
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Extrait
du journal LeBienPublic,25 mai 1875, Ed.1 p.1. Tous droits réservés. Belgicapress. Bibliothèque royale de Belgique. |
La Société Générale dépêcha deux de ses membres dans les locaux de L'Indépendance Belge afin de démentir ses allégations. Selon eux, les véritables auteurs, "des gymnastes de Bruxelles, Gand et Liège" avaient été pris pour des étudiants en raison de la ressemblance de leurs "képi".
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Extrait
de L'Indépendance
Belge,
24 mai 1875, Ed.1 p.1.
Tous droits réservés. Belgicapress. Bibliothèque royale de Belgique. |
Il est précisé que Delecourt était aussi directeur du Journal des Étudiants. Or, un numéro spécial de celui-ci aurait été distribué avant les évènements appelant à perturber un pèlerinage qui devait se tenir à Woluwé. Delecourt confirma cela mais expliqua que le numéro avait été tiré sans son accord. (Le Journal de Bruxelles, 24 avril 1875, Ed.2 p.1 et 25 mai 1875, Ed.2 p.1)
Le 25 mai, le président Lepoivre et le secrétaire Fonsny adressèrent également une lettre niant l'implication de leur association. On en profitera pour noter l'attachement au Libre-examen que revendiquent les étudiants. Ce principe a alors été introduit à l'ULB par Verhaegen depuis 20 ans.
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Extrait
de L’Écho
du Parlement,
25 mai 1875, Ed. 2 p.1. Tous droits réservés. Belgicapress. Bibliothèque royale de Belgique. |
Finalement, il semble qu'aucun étudiant de l'ULB ne figurait parmi les fauteurs de trouble arrêtés ou cités dans les rapports de police. Les quatre meneurs identifiés par la police étaient "un cordonniers, un tailleur, un maréchal des logis et une trompette d'artillerie". (L’Écho du Parlement, 25 mai 1875, Ed.2 p.1) Quant à la statuette, elle fut finalement déposée anonymement à l'hôtel de ville de Bruxelles. (L’Écho du Parlement, 29 mai 1875, Ed.2 p.1)
Bien
que la Société Générale souhaitait la formation d’une
fédération de tous les étudiants du pays (La
Meuse,
19 février 1873, Ed.2 p.2),
elle
refusa en 1877 de participer à fête organisée par les étudiants
liégeois pour les 50 ans du conservatoire car, selon Léon Lepage,
on ne pouvait fraterniser avec les étudiants catholiques également
invités. Avant cela, les liégeois avaient déjà refusé, dans un
courrier adressé à la Société Générale, de venir à Bruxelles
pour une fête car elle était selon eux pour les seuls étudiants
libéraux. (Le
Journal des Etudiants,
mai 1877*)
L'organisation
de fête était évidemment une activité importante comme dans toute
société étudiante qui se respecte. Ainsi, elle invita en 1874 pour
un concert à la "Nouvelle Cour de Bruxelles, rue des
Soeurs-Noires" suivi d'un bal à l'Alcazar qui était situé
rue d'Arenberg.
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Extrait
de L'Indépendance Belge, 23 janvier 1874, Ed. 1 pp.1-2.
Tous droits réservés. Belgicapress. Bibliothèque royale de Belgique. |
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Extrait
de L'Indépendance
Belge,
26 janvier 1874, Ed. 1 pp.1-2. Tous droits réservés. Belgicapress. Bibliothèque royale de Belgique. |
3 ans plus tard, c'est à l'Ahlambra, la plus grande salle bruxelloise de l'époque qu'elle donna un concert.
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Extrait
de L'Indépendance
Belge,
15 avril 1877 Ed. 1 p.1.
Tous droits réservés. Belgicapress. Bibliothèque royale de Belgique. |
1878 vit l'organisation de trois bals: concert suivi d'un bal en février (L'Indépendance Belge, 1er février 1878, Ed.1 p.1), le "Grand bal de la Société Générale des étudiants" en octobre aux Salons St Michel, rue d’Or (L’Étudiant Libéral, 14 octobre 1878*) puis un bal caritatif le 31 décembre à l’Alhambra (L'Indépendance Belge, 22 décembre 1878, Ed.1 p.1). Le bal caritatif de fin d'année se répéta en 1879 et rapporta 85 185F offert au bourgmestre pour les pauvres (L'Indépendance Belge, 25 mars 1880, Ed.1 p.2). Un autre bal eut lieu au Théâtre des Variétés, rue St Jean, en octobre 1880 (L’Étudiant Libéral, 17 octobre 1880, année 4, n° 1*).
En
1880, la Belgique célébra son cinquantenaire. A cette occasion, la
Société Générale organisa en juin une "grande
fête universitaire"
doublée d'un "Congrès
où tous les étudiants seront invités et dans lequel seront
discutées des questions universitaires [...] On laissera prudemment
de côté les grandes questions politiques [...]".
(La Meuse, 15 mai 1880, Ed. 1
p.2)
Le
programme détaillé publié par La Meuse amène quelques
commentaires. La fête commence par la réception des délégations
étudiantes invitées à la gare du Nord (située alors place Rogier)
suivie d'un cortège. Ceci constitue un élément typique des grandes
fêtes estudiantines du XIXe siècle qu'on retrouvera notamment lors
des fêtes estudiantines du cinquantenaire de l'ULB en 1884 ou lors
des fêtes d'inauguration des Instituts du Parc Léopold donnée par
l'Association des étudiants en Médecine en 1895. Le cortège se
termina cette fois-ci au local toujours située rue Saint Jean. Après
la réception officielle qui s'y tient, on donna un concert puis une
"redoute" c'est-à-dire une fête dansante.
"M.
Féron, le nouveau député de Bruxelles"
est Émile
Féron, député libéral progressiste qui défendait notamment le
suffrage universel.
Enfin,
on prévu de se rendre le dernier jour à "l'Exposition de la
plaine des manœuvres", c'est-à-dire l'Exposition national
sur l'industrie et les arts organisée pour célébrer le cinquantenaire. Mais, attention, la "plaine de manœuvres"
dont il est question est donc bien le site de l'actuel parc du
Cinquantenaire. Le terrain d'exercice militaire y était situé
jusqu'alors et déménagea à cette occasion en face des casernes
d'Ixelles sur le site de l'actuel campus de La Plaine.
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Extrait
de La Meuse, 10 juin 1880, Ed.1 p.2. Tous droits réservés. Belgicapress. Bibliothèque royale de Belgique |
La
présidence du Congrès, auquel assistèrent plus de 300 membres
ainsi que des représentants étudiants de Nancy et Gand, le député
Paul Janson
et
des professeurs, échut finalement à un certain Eugène Robert (que
nous n'avons pas pu identifier) à la place de Féron. On prévoyait
d'y traiter notamment de l'admission des femmes à l'université, ce
qui fut d'ailleurs le cas à la rentrée 1880. Cependant, ce sujet
passa apparemment à la trappe. On débattit, par contre, très
largement de « l'institution d'une faculté de sociologie ou de
sciences politiques et sociales » (ce qui ne se fera qu'en 1902
et 1899 respectivement). La discussion dura tellement qu'on reporta
au lendemain après-midi les autres points. (L'Indépendance
Belge,
21 juin 1880, Ed. 1 p.1)
En
voici le compte-rendu :
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Extrait
de L'Indépendance
Belge,
22 juin 1880, Ed.1 p.1.
Tous droits réservés. Belgicapress. Bibliothèque royale de Belgique. |
Nous
avons encore quelques autres traces pour 1880. Le 4 juillet, elle fut
représentée lors d'une manifestation des socialistes réclamant le
suffrage universel. (L’Écho
du Parlement, 06 juillet 1881, Ed.2 p.2)
Enfin,
elle organisa encore un bal caritatif lors du réveillon de Noël.
L'annonce précisait qu'il serait éclairé à la lumière
électrique ! Pour rappel, Thomas Edison venait de breveter son
ampoule à incandescence l'année précédente. (L’Écho
du Parlement,
23 décembre 1880, Ed.2 p.3)
Les informations sur la Société Générale dans les années 1880 se font plus
éparses. On la retrouve avec son drapeau lors de funérailles d'un
étudiant (L’Écho
du
Parlement,
16 février 1881, Ed.2 p.2),
d'Auguste
Orts, professeur et échevin de Bruxelles (L'Indépendance
Belge,
7 novembre 1880, Ed.1 p.1)
et
du
Pr Fétis (L’Écho
du Parlement,
29 janvier 1885, Ed.2 p.2).
Elle
ne fait plus parler d'elle jusque en février 1888. Cette année-là,
fut donnée la revue Eendracht
Maakt macht
dont George Garnir dit qu'elle fut "l'Alma Genetrix
de toutes les autres revues universitaires".
Le
Soir précisa dans son compte-rendu que cette revue fut montée par "Un des nombreux clubs universitaires fondés sur les ruines
de la société générale". Ce club dont il est question est
le cercle Les Nébuleux mentionné dans le titre.

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Extrait
du journal Le
Soir,
03 février 1888, Ed.1 p.1.
Tous
droits réservés. Belgicapress. Bibliothèque royale de Belgique.
Les "célébrités médicales, Croq-en-Jambe et L'Homme de Lard" sont probablement les professeurs d'anatomie Jean-Joseph Crocq et Guillaume Rommelaere. |
Il semble donc bel et bien que la Société Générale avait alors disparu à un moment indéterminé entre 1885 et 1888. Mais, elle se refonda et donna 3 jours de fêtes universitaires aux étudiants belges et étrangers (Le Soir, 11 février 1888, Ed.1 p.3). Une deuxième représentation de "Eendracht..." eut lieu à cette occasion, cette fois-ci au théâtre l'Eden. La première avait été fort applaudie et la deuxième bénéficia de plusieurs compte-rendus (Le Soir, 22 février 1888, Ed.1 p.3 et L'Indépendance Belge, 23 février 1888, Ed.1 p.1). Lorsqu'on se souvient du crédo libéral des débuts de la Société Générale, il est piquant de constater que même le journal socialiste Le Peuple émit une critique enjouée :
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Extrait
du journal Le Peuple du 23/02/1888 Ed.1 p.1.
Tous
droits réservés. Belgicapress. Bibliothèque royale de Belgique. |
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Extrait
du journal Le
Soir,
22 février 1888, Ed.1 p.1
Tous droits réservés. Belgicapress. Bibliothèque royale de Belgique. |
Une 3ème et dernière représentation de "Eendracht..." fut annoncée dans plusieurs journaux en mars 1888 (L'Indépendance Belge, 4 mars 1888, Ed.1 p.2 et Le Soir, 3 mars 1888, Ed.1 p.3 ainsi que 4 mars 1888, Ed.1 p.2) . A contrario, nous n'avons pas trouvé de mention d'une quatrième représentation malgré ce que rapportait Garnir dans ses "Souvenirs d'un revuiste".
Las,
le renouveau fut de courte durée ! La tendance apparue dans les
années 1880 à la multiplication de cercles et l'apparition des
premiers cercles facultaires se poursuivit. En 1891, la Société
Générale disparait dans l'indifférence, supplantée par la
Fédération des Cercles fondée en 1890 à laquelle succèdera
bientôt l'Association Générale. Seul ce petit entrefilet témoigne
de la fin de la première société qui regroupait l'ensemble des
étudiants de l'ULB.
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Extrait
du Journal des Étudiants, n°24, 16 avril 1891.
Document provenant des Archives et Bibliothèque de l'ULB. |