mercredi 26 septembre 2012

La langue verte des Crocodiles

En l'état actuel des choses, nous ignorons si les Crocodiles employaient un argot particulier lors de leurs séances. Des termes spécifiques apparaissent cependant ici et là.

Dans le premier numéro du Crocodile, le président de la Société des Crocodiles est appelé "grand Oriflan". Le "ministre de l'Intérieur" (le responsable de la discipline) porte le titre de "grand Alligator" et le "ministre des finances" celui de "grand Caïman".

Et la ville de Bruxelles y est appelée "Crocodilopolis".

Toujours dans ce numéro, on découvre que le terme "semaine" est remplacé par celui d'"olympiade". Le journal naît en effet le "premier jour de la 7e olympiade crocodilienne", c'est-à-dire le mardi 1er février 1853. Ce qui fait remonter la naissance des Crocodiles en décembre 1852, ainsi que l'écrit Fritz Rotiers dans ses souvenirs.

Dans la religion juive, le premier jour de la semaine est le dimanche. Et pour les chrétiens, c'est le lundi. Or le "premier jour de la 7e olympiade" tombe un mardi, il est donc probable que les Crocodiles faisaient débuter leur semaine le jour dédié à Mars...

Mais les Crocodiles allèrent plus loin et renommèrent également tous les mois. Dans l'"Amanach Crocodilien dédié aux étudiants belges", publié en 1856, on découvre un calendrier estudiantin basé sur le calendrier républicain de 1792 : "Crocodilidor, Carnavalaire, Harengsaurose, Poissonidor, Hannetonnéal, Riflardaire, Cancanidor, Busose, Kermesséal, Cornéal, Guindaillaire, Nezrongeose."

C'est sans doute la première fois qu'une parodie du calendrier révolutionnaire français fait son apparition dans le folklore étudiant bruxellois. On le retrouvera par la suite chez les Paradisiaques, les Sauriens, les Macchabées et bien d’autres cercles intimes. Les Macchas remarqueront d'ailleurs l'influence que le calendrier crocodilien a exercé sur le leur.
"Carnavalaire" est le mois des fêtes travesties et des beuveries. Puis vient "Harengsaurose" où le Crocodile se fait anachorète ; ce mois rappelle étrangement le folklore étudiant germanique où les harengs symbolisent également la dèche.

Carte envoyée à Bern le 30 août 1899.
Le hareng, dans le coin supérieur droit de la carte,
symbolise la dèche et l'argent qui file
(ainsi que le portefeuille qui se vide le souligne).
Nous reviendrons plus tard sur les autres symboles.

On note encore "Poissonnidor", époque de l’envoi des notes (par exemple celle du tailleur) et donc des farces qui consistent à ne pas les payer. Avec la belle saison arrive "Cancanidor", mois de la danse (dont le fameux cancan) et des amusements débridés, qui annonce "Busose", aux alentours d’août, où le Crocodile après avoir dansé tout l’été "se retrouve fort dépourvu – de science – quand l’examen est venu". (Pierre Van Den Dungen, op.cit.)