vendredi 7 juin 2013

Etude chimique de l'étudiant

Ce petit texte - qui fera sourire les scientifiques - a été repris dans "L'Etudiant", un recueil composé en 1960 par Esbé (pseudonyme de S. Brabant). Mais il est sans doute plus ancien.

Etude chimique de l'étudiant

Etat naturel :

L'étudiant est un "corps" très répandu dans la nature ; il existe depuis des "Villon" d'années. Des gisements importants se trouvent en Belgique, principalement dans les grandes villes : Bruxelles, Liège, Louvain, Gand, Mons, Gembloux, Anvers...

On le rencontre sous diverses formes : soit à l'état libre dans les cafés, dancings, restaurants, grands magasins et cité universitaire. C'est sous cette forme qu'il est le plus actif et le plus individualiste. Soit à l'état concentré dans les auditoires et les locaux dont l'ensemble forme ce qu'on appelle vulgairement une "boîte". Sous cette forme agglutinée, il forme une masse amorphe et ne possède plus aucune réaction.

Préparation industrielle :

On introduit plusieurs tonnes de "bleus" dans les auditoires et on les expose pendant un certain temps, généralement un an ou deux, à l'action des lumières professorales. La réaction photochimique forme lentement des étudiants. Cependant, il est à noter que certains bleus ne parviennent à se transformer qu'incomplètement. Après  être devenus des "doubles-bleus" et des "triples-bleus", ils disparaissent sans laisser de trace.

Après un an de macération, on procède à une distillation fractionnée, nommée communément "examens" et qui a pour but de précipiter les impuretés sous forme de "buses". Les étudiants qui ont bien passé ce stade sont appelés "poils" et "plumes".

Variétés allotropiques :

L'étudiant pur ainsi obtenu se présente sous deux variétés allotropiques : les "manches-à-balles" et les autres. Les manches-à-balles sont introuvables dans les réactions d'hydratation dénommés "guindailles".

La deuxième variété se distingue de la première en s'évaporant des auditoires sous l'action des rayons solaires et de la température clémente.

Propriétés chimiques :

L'étudiant, en général, se combine très aisément avec l'argent dont il est avide et qu'il se procure par des opérations plus ou moins subtiles. Mais cette combinaison est particulièrement instable, car l'étudiant libère facilement l'argent :

1) par réaction de substitution avec la bière. Cette réaction a des limites : lorsque toutes les valences de l'étudiant sont saturées, on dit qu'il est "plein" ou qu'il est "rond".

Cette réaction est également auto-catalytique. Aussi, en très peu de temps, il forme une substance inerte de couleur jaunâtre. Par hoquets, nausées et soubresauts, il tend alors à libérer également la bière.

2) sous l'action des jolies filles, et cela plus ou moins facilement, suivant le degré d'intelligence et de roublardise des intéressées.

Indicateurs différents :

L'étudiant vire au vert en présence d'interrogateurs.

Lorsqu'il est passé sans dommage par leur contact, il est à l'état pur mais non encore raffiné.