lundi 4 mars 2013

Généalogie, chapitre 2 : après les Nébuleux

Dans l'article "Généalogie, chapitre 1 : les Nébuleux", nous disions qu'il semble (d'après plusieurs sources orales) qu’à l’issue de la "Grande guerre" certains Nébuleux aient continué à se réunir quelques années au cabaret du Diable au Corps, jusqu’à la mise en sommeil du groupe. D'autres membres, sous les quolibets des premiers, auraient intégré une nouvelle société : les Macchabées.

La naissance des Macchabées

En 1919-1920, les Macchabées s’appelaient - semble-t-il - les "Funèbres Macchabées". A cette époque, ils cohabitaient avec d’autres sociétés, dont les Sauriens "aux invraisemblables capacités" (Annuaire 1919-1920 de l’Union des Anciens Etudiants de l’U.L.B.). Les Sauriens ont été fondés vers 1910 et se sont probablement éteints entre 1925 et 1930.

Si l’on apporte du crédit à un témoignage recueilli par Le Soir en 1999, les "Macchas" auraient été créés au lendemain de la Première Guerre mondiale par un groupe d’étudiants de l’ULB réquisitionnés pour aller au front en 1914. Afin de les aider à tenir le coup dans les tranchées ou dans les camps de prisonniers, des francs-maçons plus âgés qu’eux auraient organisé régulièrement des réunions secrètes basées sur la fraternité maçonnique. Un esprit de franche camaraderie que les étudiants auraient tenu à faire perdurer au sein de l’Alma Mater… (Delphine Kindermans, "Le très secret Ordre des frères Macchabées", in Le Septième Soir, suppl. du Soir, du 3 au 5 avril 1999.)

Ainsi, le nom de "Macchabées" viendrait de ce que les frères d’armes auraient vu la mort d’un peu trop près. (On retrouve la même idée dans l’Agenda de l’ULB, "En chair et en os", publié à l'occasion des 75 ans des Macchas.)

Ce sont là autant d’informations à saisir au conditionnel. La question de la fondation des Macchas dans l'immédiat après-guerre a longtemps fait débat : "on en discute encore", notait Le Soir du 21 novembre 1979. ("Manneken Pis était Maccha" in Le Soir, 21 novembre 1979.)

Avec le Cercle Polytechnique (1884), le Cercle des Sciences (1890), le Cercle de Médecine (1891), le Cercle de Droit (fin 19e - début 20e siècle) et le Cercle commercial (actuel Cercle Solvay, 1904), l'Ordre des Macchabées est l'une des plus vieilles Sociétés toujours actives à l'ULB.

Nouvelles générations d'étudiants

Nouvelle boucherie en 1940-1945, nouvelle évolution.

La période de l'immédiat avant-guerre et celle du conflit nous sont encore mal connues mais il semble (nous sommes à la recherche d'informations) que certains Macchabées se soient engagés dans la Résistance et que certains d'entre eux aient connu les camps de concentration.

Quoiqu'il en soit, il est évident que la guerre a laissé des blessures profondes : les numéros du Bruxelles Universitaire publiés après le conflit font régulièrement allusion aux camarades décédés.

La guerre et ses horreurs ont changé l'esprit des étudiants, y compris - bien entendu - celui des Macchas. D'après Elbé, "à leur tendance de gauche" d'avant l'Occupation "avait succédé une mentalité "fils à papa" dont le caractère embourgeoisé et élitiste cadrait mal avec le tempérament progressiste des jeunes étudiants de l’après-guerre". (Elbé, "Esotérisme et folklore estudiantin. Les cercles secrets d’étudiants à l’ULB, in J. Lemaire Sous le masque de la franc-maçonnerie, Série La Pensée et les Hommes, n°13, 1990.)

En 1951, face à cette tendance jugée "trop réactionnaire", quelques amis créent l’Ordre des Frères Truands, qui faillit s'appeler "les Coquillards" (Témoignage d'un Truand des années 1960). Sous les auspices de François Villon et de François Rabelais, la Truandaille impulse un folklore et une camaraderie libertaires ; sa devise sera d'ailleurs "Ny Dieu Ny Roy". (Elbé, op.cit.Ses membres sont à la fois des guindailleurs invétérés et engagés dans le syndicalisme étudiant, par exemple à l'UNEF (ancêtre de la FEF). Si l'engagement est souvent sérieux, la farce énhaurme est également présente avec - par exemple - l'édition d'un faux programme des cours. L'Ordre entre en sommeil au début des années 1980 mais, une décennie plus tard, son esprit et son folklore sont ranimés sous le nom de Frères Coquillards. L'Ordre poursuit sa course, devient mixte et accepte les étudiants non baptisés. Aujourd'hui, les Truands de la Coquille continuent à allier guindaille, discussions sur des sujets d'actualité et investissement dans la vie universitaire.

En 1969, l'Ordre du Phallus apparaît dans les remous de l'après-1968. Il s'agit à la base d'une société de guindaille, regroupant des étudiants de l'ULB et de la VUB. Peu après sa naissance, des rites, un vocabulaire et un décorum spécifiques liés entre autres au culte du vin font leur apparition. Avec le temps, la confrérie mélangera discussions, recherches philosophiques et activités festives. (Elbé, op.cit.)

D'après Thierry Della Siega, c'est en 1978 que l'Ordre des Dindons est fondé à l'ULB. (Thierry Della Siega, Ut Semper Vivant, D' Geschicht an de Folklor vun de lëtzebuerger Studenten an der Belsch, 2012, Esch-sur-Alzette) Les Dindons forment un Cercle très discret ; ils portent d'ailleurs en réalité un autre nom. Ce club serait une scission des Macchas et compterait aujourd'hui trois sous-groupes.

En 1981, l'Ordre des Chauves-Souris voit le jour au cœur de la guindaille. L'esprit festif et égalitaire y est très présent. 

En 1998, à la demande de trois Plumes, un Truand de la Coquille rédige les bases du rituel des Corneilles.

En 1999, un Truand de la Coquille porte sur les fonds baptismaux une Société à vocation littéraire : Les Cénobites Tranquilles. Celle-ci cesse ses activités deux ans plus tard, suite au décès d'un des confrères.

En 2000, quatre autres Coquillards lancent les Templiers. Dès sa fondation, la nouvelle société est très structurée et dispose d'un rituel riche, où la guindaille se marie aux discussions.

La même année, un de ces quatre Coquillards fonde également les Frères Gastéréens, dont la principale activité est alors d'organiser des banquets.

L’arbre généalogique des cercles intimes est tracé à - très - grands traits. Nous ne reviendrons pas sur les Sociétés actives nées après 1940-1945, afin de respecter la discrétion et le calme auxquels elles aspirent.

"Sociétés à vie"

Ajoutons pour finir que c'est très probablement avec les Nébuleux que le principe de "société à vie" (connu de longue date dans les corporations d'étudiants "germaniques") apparait à l’ULB.

Tout comme eux, les Macchabées, les Poils de l'Ordre du Phallus, les Chauves-Souris, les Truands et les Coquillards... continueront à appartenir à leur Ordre après leurs années d’étude. C’est d’ailleurs, comme pour les Corps en Allemagne et en Autriche et comme pour les Sociétés en Suisse, l’un des intérêts de ces sociétés corporatives.