La corne fut employée pour les libations par les étudiants wallons de l'ULB jusque dans les années 1920. Il fallait vider une corne complète pour pouvoir adhérer au cercle. Si notre mémoire est bonne… Nous avons en effet malheureusement égaré les notes où nous avions relevé les différentes occurrences du terme.
La corne à boire évoque inévitablement la corne d'abondance, source inépuisable de bienfaits. Cette corne d'abondance est en effet le plus souvent représentée regorgeant de fruits, de céréales, de miel, de lait et d'autres aliments doux et sucrés.
La corne à boire évoque inévitablement la corne d'abondance, source inépuisable de bienfaits. Cette corne d'abondance est en effet le plus souvent représentée regorgeant de fruits, de céréales, de miel, de lait et d'autres aliments doux et sucrés.
Salle de Kneipe à Heidelberg, vers 1900.
Les cornes décoraient habituellement les locaux des corporations étudiants allemandes.
Les cornes décoraient habituellement les locaux des corporations étudiants allemandes.
L'usage de la corne à boire provient des sociétés étudiantes germaniques. Les nouveaux frères de couleurs (appelés Fuchsen) devaient y boire après leur intronisation. On retrouve également ce récipient en Suisse, notamment à la section de Lausanne de Belles-Lettres lors du centenaire de la Société, où les porteurs de corne sont logiquement appelés Cornifères. (in Livre d'Or de la Société de Belles-Lettres Lausanne, 1956)
Société de Belles Lettres Lausanne, vers 1870-1880.
Une corne est visible dans les mains d'un étudiant, debout à gauche.
Une seconde corne est visible sur l'épaule de l'étudiant de profil, à droite.
Une corne est visible dans les mains d'un étudiant, debout à gauche.
Une seconde corne est visible sur l'épaule de l'étudiant de profil, à droite.
Extrait de la photo précédente.
Lors des défilés des sociétés ou lors des photographies officielles,
des fleurs sont placées dans les cornes à boire.
En Belgique, la plus vieille trace de corne à boire connue à ce jour, c'est dans la chronique de l'Union Luxembourgeoise de l'Université de Liège qu'il faut la chercher. "Le plus ancien cercle estudiantin formé pour regrouper des étudiants issus d'une même région naît le 17 février 1868. (…) En 1881, l'Union Luxembourgeoise acquiert non pas un drapeau mais une corne qui devient l'emblème de la société", nous indique le Poil Michel Péters.
Si l'histoire de l'Union Luxembourgeoise est lacunaire, l'on sait cependant qu'en novembre 1896 elle entame sa vingt-neuvième année par une "charmante fête intime, pendant laquelle la fameuse corne a circulé sans relâche." Et ce n'est bien entendu pas d'eau qu'est remplie la corne. Ainsi, lors des fêtes commémoratives de 1898, on dénombre "huit cornes irréprochablement remplies de mousseuses munich."
La trace suivante de corne estudiantine, nous l'avons retrouvée dans l'Almanach des étudiants libéraux de Gand de 1888. On y lit le récit qu'un certain Leclaire fit de sa visite aux étudiants gantois : "A Gand, j’ai trouvé, à côté des trois sociétés générale, wallonne et flamande, un cercle des étudiants en médecine et un cercle des étudiants brésiliens. (...) Mon seul regret fut de ne pouvoir donner qu’une atteinte légère à la grande corne universitaire qui tient trois litres et demi de bière d’orge." Cette corne était vraisemblablement déjà en service les années précédentes. Mais depuis quand ?
En 1891, l'Almanach nous dévoile le respect qui entoure l'emploi de la corne chez les étudiants libéraux wallons de Gand : "la Wallonne évoque toujours, comme jadis, à l’imagination des profanes, de grandioses scènes bachiques que perpètrent, dans la fumée des pipes, une bande de francs lurons en cercle autour d’une table, faisant rouler des bans avec un bruit de tonnerre, puis soudain s’arrêtant, prenant des attitudes recueillies, au milieu d’un silence solennel, tandis que la corne à boire circule !"
En 1892, l'Almanach évoque avec admiration le vice-président de la Wallonne de Gand "qui vidait l’immense corne de la société avec autant de désinvolture que si c’eût été une simple chope". L'Almanach de cette même année mentionne ensuite pour la première fois la fonction de Cornifère, qui apparaît à la Wallonne à côté de celles de Président, de Vice-président, de Secrétaire, de Trésorier, de Bibliothécaire et de Porte-drapeau.
La Société générale des étudiants d'Anvers
et sa corne (dans les bras du Camarade assis par terre),
le 21 mars 1892.
Document transmis par Bram D.sm.t.
Document transmis par Bram D.sm.t.
La Société générale des étudiants wallons de Gand
et sa corne en 1904, lors son 35e anniversaire.
La corne est tenue par l'étudiant, assis au premier rang à gauche.
La corne est tenue par l'étudiant, assis au premier rang à gauche.
Une autre corne, brodée, est visible sur le drapeau foncé au centre.
Document transmis par Bram D.sm.t.
Document transmis par Bram D.sm.t.
Si l'on se réfère à l'Almanach des étudiants libéraux de Gand, la Wallonne de Gand dispose d'un Cornifère jusqu'en 1907. Mais à partir de 1902, le Cornifère est accompagné de Pompiers, chargés du service des boissons. Et, de 1908 à 1914, la Wallonne de Gand ne dispose plus que de Pompiers. Si le Cornifère semble y avoir disparu, la corne a peut-être été transmise aux Pompiers. Mais ceci n'est qu'une hypothèse.
L'Almanach gantois mentionne néanmoins encore l'existence d'un Cornifère à l'Association générale d'Anvers en 1900, en 1908 et 1911. Le même Almanach signale également un Cornifère au Cercle wallon d'Anvers de 1908 à 1912. C'est la dernière trace connue de la fonction de Cornifère en Belgique.
Corne offerte à la Mercuria de Bruxelles,
par la Lovania, lors de la fête de fondation en 1901.
Documents transmis par Benoît Bacchus P.nc.n.
Documents transmis par Benoît Bacchus P.nc.n.
A Liège, la Bohème compte un Pompier en 1880. Et à Mons, le Cercle borain connaît lui aussi la fonction de Pompier en 1908. A l'Université libre de Bruxelles, les Nébuleux, fondés en 1886, sont servis par un Pompier avant que ce dernier ne prenne le titre de Grand Echanson, jugé moins commun. Le Cercle des étudiants luxembourgeois a un Pompier en 1902 tandis que le Cercle des étudiants wallons anticléricaux en a un en 1911.
Mais rien n'indique que les Pompiers des différentes universités officiaient avec une corne à boire. Il est en tout cas certain que ce ne fut le cas ni à la Bohème liégeoise ni chez les Nébuleux de Bruxelles.
Parmi les indices qui nous laissent penser qu'il y a cependant peut-être eu çà et là une équivalence entre les titres et attributs de Cornifère et ceux de Pompier figure cet entrefilet transmis par Michel Péters : en 1906, à côté du Président, du Vice-président, du Secrétaire, du Trésorier, du Bibliothécaire et du Rapporteur, le Comité de l'Union luxembourgeoise de Liège compte un "cornifère-pompier". Les deux fonctions liées au service de la bière y semblent donc bel et bien jumelées. (L'Etudiant Liégeois, du 30 octobre 1906). Mais il est difficile d'en déduire que la fusion de ces deux fonctions fut généralisée...
L'Etudiant Liégeois du 9 mars 1904, aussi transmis par Michel Péters, relate le voyage d'une députation d'étudiants liégeois, gantois et bruxellois partie saluer des étudiants allemands à Aix-la-Chapelle. Le rituel semble le même à Aix qu'à Gand et Liège : la corne circule de main en main : "Des cornes immenses, cerclées et écussonnées de plaques d’argent, circulent. Chacun avale une gorgée de bière et passe la corne au voisin."
Pipe sans date. La corne figure en bonne place,
avec la chope, les pipes, paragraphe 11
(indiquant, dans les règlements étudiants, qu'on boit toujours trop.)
avec la chope, les pipes, paragraphe 11
(indiquant, dans les règlements étudiants, qu'on boit toujours trop.)