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vendredi 20 juillet 2012

Résistance : le local AY2.107

La salle de cours AY2.107 est dédiée à trois enseignants de la Faculté de Philosophie et Lettres, morts dans le naufrage de l’Aboukir le 28 mai 1940 : Henri Laurent (37 ans), Charles Beckenhaupt (55 ans) et Werner Kamps (37 ans). Ce bateau emportait des civils d’Ostende vers l’Angleterre. Il fut torpillé par un navire allemand qui fit feu sur les survivants.

Le 28 mai 1940, l’armée belge capitule. Certains Belges tentent de rejoindre l’Angleterre où sont basées les forces alliées pour se mettre à leur disposition. C’est le cas de ces trois professeurs dont deux étaient déjà engagés contre l’Allemagne nazie depuis plusieurs années. M. Laurent avait des activités journalistiques qui le vouaient à la haine des ennemis de la liberté et de l'équité. En prenant l'Aboukir, il pourvoit à sa sécurité. M.Beckenhaupt, alsacien d'origine, se tient à la disposition de l'ambassade de France. Perdent également la vie dans ce naufrage : l’épouse de Charles Beckenhaupt ainsi qu’un étudiant étranger de l’ULB, Yervant Vartanian.

André Jadot, un intellectuel brillant

Né à Ben Ahin-lez-Huy le 8 mars 1918, André Jadot entreprend des études de philologie germanique à l’Université de Liège. Il se révèle être un étudiant d'une grande maturité et d'une intelligence aiguisée. Il se consacre à la littérature allemande et est proclamé licencié en philosophie et lettres, avec grande distinction, en 1939, avec un mémoire portant sur le roman "Joseph et ses Frères" de Thomas Mann. Agrégé de l’enseignement moyen du degré supérieur, il est désigné comme professeur aux athénées de Herstal et de Huy.

Quand commence l’offensive allemande le 10 mai 1940, le milicien Jadot participe à la campagne des 18 jours, est blessé, mais échappe à la captivité.

Quand Charles Beckenhaupt, titulaire de la chaire d’allemand de l’ULB, décède en tentant de franchir la Manche, le poste reste vacant. Le Conseil d’Administration porte son choix sur André Jadot qui, malgré son jeune âge et son absence de doctorat, semble rassembler les qualités requises (érudition, esprit de synthèse et profondeur d’interprétation) pour assurer le cours de littérature allemande avec le titre de suppléant. Il assura sa charge à la satisfaction générale. Quand le Conseil d'administration de l'ULB décide de suspendre les cours le 25 novembre 1941, Jadot retourne à Liège pour y devenir assistant du professeur Corin et achever sa thèse de doctorat, soutenue avec succès en 1942.


Avec les Partisans Armés

En 1943, Jadot délaisse une étude sur le "Bildungsroman" pour tenter de poursuivre la lutte contre l’occupant sous une autre forme. Il s’engage alors sous le pseudonyme d'"Andrex" dans l'Armée belge des partisans, une organisation de résistance mise sur pied par le Parti communiste belge au lendemain de l'agression allemande contre l'URSS. Cette armée bénéficie de l'expérience de quelques anciens des "Brigades internationales". Jadot y remplira les tâches les plus diverses parmi lesquelles : sabotage, réquisitions, dépôts d’armes et de munitions, presse clandestine, tracts.

Dans la nuit du 4 au 5 février 1944, la première compagnie du bataillon universitaire du corps 013 (Liège) de l’Armée des partisans reçoit l’ordre d’accomplir, sous le commandement d’André Jadot (avec deux autres hommes), le sabotage d’un train de minerais allemand sur la ligne Liège-Hasselt. Ce train, par suite d’une erreur de signalisation, ne passera pas. La petite équipe était résolue à remettre le coup au lendemain. Elle s'acheminait vers le dépôt d’armes quand, suite à un malentendu avec l’un des deux autres membres inexpérimentés du commando, elle fut encerclée par des Feldgendarmes. La fouille ayant commencé, les partisans jouent leur va-tout, bousculent les Feldgendarmes et s’enfuient à la faveur de l’obscurité. L’ordre de tirer est donné. André Jadot est tué sur le coup par une rafale de mitrailleuse et une balle de fusil. Son compagnon est blessé par des éclats de grenade et fait prisonnier tandis que le troisième membre de l’équipe parvient à s’échapper.

Une figure de la résistance universitaire

Enterré sans aucune mention d’identité sur les remparts de la citadelle de Liège, André Jadot devra attendre le 27 avril 1945 pour être inhumé. Le 27 mai 1946, l’Université Libre de Bruxelles remet une Médaille du Souvenir à la veuve d’André Jadot. Immédiatement après la guerre, une plaque commémorative sera apposée dans le local 107 du bâtiment de la Faculté de Philosophie et Lettres.

[Avec la plaquette "ULB résistante", éditée par le Cercle du Libre Examen en 2005-2006]